Depuis sa création, l’homme se déplace. Pour vivre, par nature, il faut bouger, c’est le sort de l’homme et l’animal. Nous ne pouvons pas rester donc sur un point fixe comme des arbres, qui au contraire, pour croître et se développer cherchent tout ce qu’l leur faut, sur place : l’eau, la lumière et d’autres éléments nutritifs.
Il y a deux mille ans, avant Jésus Christ, un poète s’appelait Kaniyan Poungounranar disait : « Tous les pays sont à nous et tout le monde est notre famille ». Si l’on pose la question à un Syrien d’aujourd’hui, qui quitte son pays déchiré par la guerre, il s’alignerait avec la pensée du poète sans la moindre hésitation. Aujourd’hui, le vers de poète, plus que jamais est devenu une sorte de maxime, une portée universelle du monde. La preuve, on assiste à ces derniers temps, un flux migratoire sans précédent partout dans le monde.
Ce n’est pas aussi simple que l’on croit de partir d’un pays qui pourtant nous accompagnait depuis la naissance jusqu’à une majeure partie de la vie. Quand on quitte un pays, on se quitte avec tout ce qu’on s’est familiarisé. En d’autres mots on se sépare de nous-mêmes. Pourtant, certains entre nous, comme moi -d’ailleurs, voulons partir du pays d’origine, dont les raisons sont diverses. Parmi lesquelles, il y en a deux qui peuvent être assez facilement distinguées : l’une est politique et l’autre est économique. Quelle que soit la raison de son départ, à travers cette aventure, l’homme tente d’avoir une vie meilleure. Donc, il y a un prix à payer. Ce prix pourrait comprendre la maison où il est né, le terrain où il jouait avec ses amis, et des endroits qui lui permettaient d’avoir des moments chaleureux et conviviaux.
Dans mon parcours, Pondichéry comme Strasbourg tous deux sont importants. A vrai dire, Pondichéry, c’était une ville d’accueil. Dès son antiquité, tout au long de son histoire, grâce à sa position littorale sur la côte Coromandel et ayant pu bénéficier de nombreux privilèges, offerts par les Etats indiens successifs, la ville accueille aujourd’hui comme hier, des gens d’ailleurs. C’est une ville à la portée de mon village natal, cela n’était pas donc étonnant que je l’aie choisie comme un point de repère de ma vie. Et donc la ville Pondichéry s’était devenue le jardin de mon enfance, un terrain de jeu à l’âge de l’adolescent et la terre de fiertés lorsque je me promenais dans les rues comme Barathi, Gandhi et Sri Aurobindo.
Au moyen des noms des protagonistes qui écrivirent l’histoire de Pondichéry, des institutions françaises, des édifices coloniales, des mots comme : hôpital, potion, école, directeur, cahier, bureau, régie chez les vieux citadins, et avant tout, de la présence de nombreux souches françaises au territoire, la ville nous confirme son éternelle relation avec la France.
Si l’on demande à un Français de nouvelle génération, ‘ quels sont les anciens comptoirs français en Inde, il y aura une forte chance d’être déçu. Pourtant Pondichéry était sous l’administration française jusqu’en 1954. En revanche, pour la majeure partie d’indiens, Pondichéry c’est un petit Paris.
Puis, il y a un autre Pondichéry, avec toute sa grandeur et sa beauté, s’est figé dans mon souvenir depuis longtemps, C’est le Pondichéry des années 60 à80 et je les regarde souvent avec nostalgie : Le point du jour et son tour de magie sur la mer, les bourdonnements des vagues au petit matin, accompagnés du son des cloches du temple confinés au sublime, et surtout la peinture de la pluie au ciel de Pondichéry pendant la mousson. En fait, j’aimais la pluie de Pondichéry dont je n’arrête pas de parler dans mes romans. Avec tout cet environnement, j’ai fait mes études, je travaillais dans la fonction publique, je me suis marié et poursuivais des missions prescrites par la société indienne pour un Grihasta (Un des quatre stades de la vie des Hindus en Inde).
A Strasbourg, le mythe français avec toutes ses mystères et merveilles m’attendait. J’avais eu la nationalité française par mariage en 1977. Une maxime tamoule dit : « Si nécessaire, voyagez même en mer pour gagner de l’argent ». C’est le rêve d’un Indien sur deux en Inde. Malgré tout, je n’avais pas envie de partir, mais le destin en a décidé autrement. C’était en été de1985, je suis arrivé en France. Aujourd’hui, ayant la possibilité de me rendre souvent en Inde, je ne regrette pas de l’avoir quitté.
En arrivant à Strasbourg j’ai constaté qu’il y a quelques similitudes entre les deux villes. Par sa taille, avec son peuple de différentes cultures, Strasbourg m’a déjà attiré au premier abord. La ville et ses environs possèdent de nombreux charmes. Elle est aussi un point de départ idéal pour découvrir les merveilles d’Alsace. Avec sa cathédrale de l’architecture gothique, le centre-ville, le parlement européen, la petite France et ses maisons à colombages, la fleuve Rhin, les Deux-rives, le massif des Vosges, des espaces-verts, le piaillement discret des oiseaux, surtout celui des cigognes, Strasbourg nous parvient à retenir. De plus, en temps de pluie, Strasbourg me donne les mêmes impressions que Pondichéry.
C’est à Strasbourg en consacrant quelques petites heures pour la lecture, j’ai découvert la richesse de la littérature à la fois dans la langue tamoule et dans la langue française. J’en ai reçu beaucoup de deux côtés, je dois donc à eux, ce que j’ai reçu. Créer un pont littéraire entre les deux langues est un moyen, non seulement pour mener à bonne fin de ma reconnaissance envers les deux langues et aussi pour permettre une partie des gens de deux langues d’aller d’une rive à l’autre et de déguster la saveur de la littérature. Donc, j’ai commencé à écrire des romans et des nouvelles en appréciant à la juste valeur de ces pays. J’écris des essaies en tamoul et j’ai traduit des livres comme : L’amant, de, Bonjour Tristesse, le Procès-Verbal, les cauchemars de Karl-Marx et une trentaine des nouvelles de grand écrivains français pour faire connaître aux lecteurs tamouls. Afin de compléter cette démarche, un site nommé Chassé-Croisé : France -Inde, s’est lancé, il y a deux ans avec le concours de mon ami S.A. Vengada Soupraya Nayagar.Le site nous aide à présenter des écrivains tamouls aux Français. Mais, comme dans toutes les bonnes causes, nous aussi, rencontrons des difficultés à tenir correctement, par conséquent, le délai est long entre les publications.
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