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La culture tamoule – par David Annoussamy

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david-annusamyDavid Annoussamy, La culture tamoule, Éditions Kailash, 11/12/2016

 

Les livres de David Annoussamy sont toujours agréables à la lecture et donnent le sentiment au lecteur d’avoir appris et compris beaucoup sur le sujet traité. C’est encore le cas avec La culture tamoule parue en décembre 2016 et qui devrait être très prochainement disponible en librairie.

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Le projet de l’auteur est à la fois simple et ambitieux : faire connaître le fait tamoul dans le monde d’aujourd’hui.

Partie intégrante de la culture indienne, la culture tamoule présente un particularisme très marqué, d’abord par son ancienneté, les joutes littéraires des Sangam existaient aux siècles précédant l’ère chrétienne, et ensuite par la vigueur de ses institutions, les différentes dynasties Chola, Pandya et Pallava qui, du nord au sud du golfe du Bengale et au-delà des mers, ont su installer leur autorité et marquer leur présence par la construction de monuments dont beaucoup sont maintenant classés au patrimoine mondial de l’Unesco.

 

L’auteur nous présente et nous explique le monde tamoul d’aujourd’hui dans tous ses aspects et d’abord dans ses relations avec le temps. Et le charme du livre opère immédiatement. Nous apprenons que le calendrier solaire est un peu en décalage avec celui que l’on connaît en Occident, mais surtout que toutes les heures de la journée n’ont pas la même valeur ni les mêmes qualités, certaines sont néfastes, d’autres fastes et qu’il importe donc de savoir à quel moment il convient d’entreprendre ou de faire des choses importantes, comme engager une affaire immobilière ou célébrer un mariage.

 

Entré dans le monde tamoul par le temps, nous continuons notre voyage en explorant la pensée religieuse et la vie religieuse que l’auteur distingue à juste raison. La journée est ponctuée de gestes rituels aussi bien à la maison qu’aux différents temples de la localité. Ces comportements sont purement personnels et ne sont pas imposés par une religion qui ne comporte ni dogmes ni de véritables commandements. Religion peu contraignante, mais très forte religiosité qui se manifeste dans toutes les relations, que ce soit avec les dieux, avec les membres de la famille ou dans les nombreuses fêtes collectives qui jalonnent les différents moments de l’année.

 

Ce sentiment religieux se double ou se prolonge de tout un ensemble de croyances qui touchent  à la superstition, aux astres, à la numérologie, aux horoscopes, aux présages et auxquels chacun attache plus ou moins d’importance mais qui suscitent des professions à part entière : tout projet de mariage donne lieu à l’examen des horoscopes des futurs époux par un homme de l’art.

 

L’exploration de la vie familiale et du système de castes complète cette introduction à la connaissance de l’être tamoul. Organisation de la famille et fonctionnement du système des castes subissent les contrecoups de la vie moderne mais sont encore suffisamment prégnants pour garder, sans doute pour de nombreuses années encore, leurs caractéristiques.

 

Il y a une  vie de société qui repose sur un ensemble de principes éthiques qu’une longue histoire littéraire a nourri, faite de bon sens et d’une profonde humanité, plus qu’humaine pourrait-on dire puisqu’elle s’étend à tout le monde vivant. Certains moralistes estiment que « le ventre du consommateur de viande est le cimetière des êtres vivants ! Celui qui élève des bêtes dans le but de les tuer et les mangers est un pécheur sans nom. C’est l’abus de confiance d’une suprême gravité ».

 

Religiosité, éthique, organisation familiale, contrats sont les éléments constitutifs des affaires que peut connaître la justice, qui doit leur trouver une solution équitable. Il est très intéressant de constater que les Tamouls n’ont jamais eu un corpus juridique sinon sous la période coloniale qui a voulu leur en donner un par une erreur totale d’appréciation de la situation. « Si les Tamouls n’ont pas donné une forme écrite à leur loi, ce n’est pas par incapacité mais par volonté délibérée … Une loi, dès qu’elle est écrite, tend à échapper au peuple. Un groupe de personnes spécialisées fait son apparition pour dire au peuple en quoi consiste la loi. ».

 

Pratiquement tous les aspects de la culture tamoule donnent lieu à analyse, de la médecine aux arts, à la littérature, à la musique, à la danse, au théâtre et au cinéma. Chaque chapitre est écrit de façon à être lu ou relu sans nécessairement revenir sur les sections antérieures.

 

D’où vient le plaisir que suscite la lecture de ce livre ? C’est l’auteur lui-même qui nous en donne l’explication en faisant l’éloge de la vertu de la parole dans son exposé sur les principes éthiques :

 

« Les moralistes accordent une grande importance à la parole. Ils prennent grand soin d’indiquer les règles du bon langage : tenir compte du lieu, de l’assistance, ne pas débiter trop vite, ne pas répéter, pas trop développer, s’abstenir de dire des faussetés, s’exprimer de façon concise. La meilleure façon de parler c’est de parler avec naturel sans jamais forcer son talent. Toute affectation produit de mauvais résultats ».

 

David Annoussamy applique à l’écrit ce que les moralistes recommandaient à l’orateur et participe ainsi à la culture tamoule qu’il connaît si bien et qu’il veut faire connaître à tout un public francophone qui vient et revient avec plaisir sur la côte Coromandel.

Pondichériens d’origine ou d’élection, avant le voyage périodique sur la Baie du Bengale et avant l’acquisition de tout autre guide, emportons, lisons et relisons ce livre : celui-ci nous ouvre vraiment les portes du monde tamoul que l’auteur aime tant et sait nous faire aimer.

 

Roland Bouchet, La Lettre du CIDIF janvier 2017.

 

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Le monde indien : populations et espaces Les inégalités de genre en Inde(3) – Kamala MARIUS

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(Kamala MARIUS, maitresse de Conférences HDR, Université Bordeaux Montaigne, UMR LAM (CNRS/Sciences Po Bordeaux), et Institut Français de Pondichéry, UMIFRE 21 CNRS/MAEE)

Au-delà de la légitimation de l’enfermement des femmes depuis des siècles, l’inégalité des rapports de pouvoir se manifeste, dans sa forme la plus extrême, à travers la violence des rapports de genre.

Une étude sur la masculinité menée en 2011 dans plusieurs pays du monde  montre que c’est en Inde que la violence des hommes envers leurs partenaires est la plus courante. [9] Par ailleurs, 14 % des Indiens attestent avoir abusé sexuellement de leur partenaire ou de leur épouse durant l’année passée, tandis que 20 % auraient abusé sexuellement de leur partenaire ou de leur épouse au cours de leur vie. La violence conjugale est justifiée par 68 % des Indiens qui pensent qu’une femme « doit tolérer la violence physique dans le but de préserver l’équilibre familial » ; 65 % des Indiens sont d’accord avec le fait que « dans certains cas, une femme mérite d’être battue », alors que 37 % affirment avoir recours à la violence physique envers leur compagne, d’après les résultats de l’enquête. Pourtant, 92 % des hommes ont déjà entendu parler des lois sur les violences commises contre les femmes. L’enquête de l’IHDS confirmait déjà ces résultats à quelques nuances près, en précisant que le fait de sortir sans permission (39 %), de négliger les tâches ménagères (35 %), de ne pas bien faire la cuisine (29 %) étaient des raisons suffisantes pour que les femmes soient battues (fig. 10). On sait par ailleurs qu’en Inde, l’éducation, le fait de bénéficier de revenus élevés et de vivre en ville sont autant de facteurs limitant la violence conjugale.

Fig. 10 : Perception de la violence conjugale par les hommes indiens :
l’« acceptable » et ses bornes

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Un homme ayant au moins bénéficié d’une éducation secondaire a davantage tendance à concevoir les relations hommes-femmes de manière plus équitable, selon le rapport de 2011. Certains auteurs ont pourtant noté une prévalence de la violence domestique plus importante auprès des femmes ayant une activité génératrice de revenus, car les conjoints se sentiraient menacés par l’autonomie potentielle de ces femmes actives. [10]

Dans ce contexte d’inégalités cumulatives largement démontrées, il est utile de s’intéresser à l’impact de la croissance économique actuelle sur l’accès des femmes à l’emploi. Si cette croissance économique a eu des conséquences positives sur l’accès à l’emploi des femmes, ce n’est pas pour autant que les disparités liées au genre ont disparu.

5. Inégalités d’accès à l’emploi et informalisation du travail des femmes

Même si l’économie indienne a réalisé un rattrapage rapide au cours des deux dernières décennies avec une croissance moyenne de 7 à 8 %, elle n’a pas pour autant favorisé la croissance de l’activité des femmes.

Un tiers seulement des femmes en âge de travailler occupe un emploi en Inde, alors qu’en Chine par exemple, plus de deux tiers des femmes sont actives. Leur taux d’activité est plus élevé en zones rurales qu’en zones urbaines, et dans les États du Sud et du Nord-Est que dans ceux du Nord (OCDE, 2014). [11]

Contrairement aux autres pays émergents, le taux d’activité des femmes indiennes recule depuis dix ans, tandis que celui des hommes reste stable. Ce déclin depuis 2005 s’explique en grande partie par la chute de l’emploi indépendant non rémunéré des femmes dans le secteur agricole. Si le nombre de femmes d’âge actif a augmenté d’environ 99 millions, leurs emplois n’ont progressé que de 6 millions entre 2000 et 2012. Pendant la même période, le nombre d’emplois occupés par des hommes a progressé de 69 millions (Marius, 2013).

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Ainsi, en dépit d’une libéralisation économique amorcée dans les années 1980 et d’une stratégie de croissance qui auraient dû faciliter l’émergence du salariat industriel féminin, on assiste plutôt à une informalisation massive du travail des femmes, notamment à travers la sous-traitance de travaux d’artisanes à domicile (panier, broderie, objets d’artisanat, encens…) passant par de multiples intermédiaires. Afin de compléter les revenus familiaux, les femmes qui commencent à travailler de plus en plus jeunes se retrouvent dans des activités informelles sous-payées. On reprend ici la définition de l’OCDE (2009) qui définit bien la taille et l’évolution de l’emploi informel :

– emploi informel dans le secteur informel : travailleurs indépendants : travailleurs à leur compte, employeurs, travailleurs familiaux ; employeurs et employés rémunérés travaillant dans des micro-entreprises comprenant moins de cinq travailleurs ou employés.

– emploi informel dans le secteur formel : employés rémunérés dépourvus de protection sociale dans des entreprises comprenant cinq travailleurs (ou employés) ou plus ; travailleurs domestiques rémunérés dépourvus de protection sociale.

Ainsi dans le contexte de compétitivité internationale, les employeurs préfèrent installer leurs usines en zone rurale ou semi-urbaine afin d’optimiser les coûts de production et de bénéficier des économies d’échelle. Les femmes, dont le travail coûte généralement moins cher, et moins encore en milieu rural qu’en milieu urbain, sont très recherchées par les employeurs qui sont prêts à les former quelques jours. Leur préférence va aux femmes les plus jeunes et aux célibataires. Les femmes sont considérées comme adroites, dociles et disposées à accepter des bas salaires. En effet, leur faible niveau d’éducation et de qualification les incite à accepter des emplois précaires et peu rémunérateurs dans le secteur informel. Par ailleurs, les femmes préfèrent une certaine flexibilité d’emploi afin de pouvoir s’occuper de leur famille, d’où leur présence dans des secteurs faiblement concentrés et demandant peu de compétences. En effet, selon le NCEUS (2007), le niveau d’années d’études minimum requis pour travailler dans le secteur formel est au moins de 10 ans pour les femmes, tandis qu’il n’est que de 4 ans dans le secteur informel (K. Marius-Gnanou, 2013). En raison de la situation très précaire de ces travailleurs informels, le gouvernement a proposé en décembre 2008 un projet de loi leur permettant d’avoir accès à une sécurité sociale et à un salaire minimum, grâce à la mise en place d’une carte d’identité.

Au total, c’est moins d’une femme sur sept qui travaille dans le secteur organisé. Elles sont surreprésentées dans les emplois agricoles peu productifs, le secteur manufacturier traditionnel à petite échelle et dans les services tels que l’éducation et les emplois domestiques. En 2012, 60 % des femmes occupant un emploi salarié ou occasionnel percevaient moins que le salaire minimum, contre 25 % chez les hommes (OCDE, 2014, p.39).

La rigidité du marché du travail dans les secteurs secondaire et tertiaire est un facteur essentiel qui empêche les ouvrières agricoles d’occuper des emplois mieux rémunérés dans l’industrie à cause de l’obligation d’obtenir une autorisation pour licencier même un seul salarié dans les unités manufacturières de plus de 100 travailleurs. Comme l’a démontré une étude du FMI, le transfert de main-d’œuvre indienne depuis le secteur agricole vers l’industrie est le plus bas d’Asie.

Si on prend le critère le plus pertinent pour mesurer les inégalités de travail à savoir le nombre de jours de travail par an, on peut considérer que la participation des femmes au travail est bien moindre que celle des hommes avec des inégalités qui s’exacerbent avec l’âge, plus en milieu urbain qu’en milieu rural (fig.11).

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Alors que le pourcentage de femmes travaillant en milieu rural a toujours été plus important qu’en milieu urbain, le nombre de jours travaillés en milieu urbain est plus élevé (180) qu’en milieu rural (106). Ceci s’explique sans doute par le fait que les femmes ont d’autres activités informelles et aléatoires liées à l’agriculture, l’élevage etc…qui relèvent de l’auto-emploi (fig. 12). En effet, sur les 127,3 millions de femmes actives recensées, 90 % d’entre elles travaillent dans le secteur informel qui inclut l’auto-emploi (self employment) et le travail occasionnel (casual labour). Il faut aussi évoquer le travail des enfants, et des petites filles en particulier, particulièrement répandu dans les campagnes où 9 % des filles de moins de 15 ans travaillent. Nombreuses aussi sont les études qui montrent que les tâches du ménage pauvre incombent dans une large mesure aux filles. Elles s’occupent des tout-petits, font la cuisine, nettoient, vont chercher et portent de l’eau et toutes sortes d’ustensiles… Les filles plus âgées vont aux champs avec leurs parents pour les aider à semer, replanter, sarcler, récolter, etc.

Cependant, en milieu urbain, d’après les données du NSSO analysées par Kundu (2009, 22), on note depuis les années 1980 une diminution de l’emploi occasionnel (casual labour) au profit de l’emploi salarié : en effet, le pourcentage d’emploi salarié est passé de 25,8 % en 1983 à 35,6 % en 2004-2005 (fig. 13). Cela s’explique par la mondialisation qui a impulsé une relocalisation des entreprises à la périphérie des grandes villes ou dans des districts industriels, même si les chiffres restent encore modestes ; en effet, le travail payé dans les manufactures ne concerne que 12,3 % des femmes actives. Par ailleurs, le pourcentage de l’emploi non payé, notamment en milieu rural, reste encore élevé, de l’ordre de 43 % en 2007-2008. Cependant, si l’on tient compte uniquement des femmes payées, 67 % des femmes seraient concernées par le travail occasionnel, 26 % par l’auto-emploi et à peine 7 % par un travail régulier.

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Même si les femmes indiennes sont de plus en plus nombreuses à travailler, la majorité d’entre elles, à savoir les plus pauvres, travaillent parce qu’elles n’ont jamais eu le choix, pour des salaires nettement inférieurs à ceux des hommes (à l’exception des emplois de la fonction publique). En revanche, les femmes au-delà d’un certain niveau d’études, dès lors qu’elles sont mariées à un conjoint ayant un revenu décent sont moins contraintes à travailler, notamment en milieu rural (S. Desai et al., 2010). Cependant, la majorité d’entre elles subissent une inégalité salariale qui reste forte (fig. 14) : en effet pour 10 Rs gagnées par un homme, les femmes gagnent 5,4 Rs en milieu rural et 6,8 Rs en milieu urbain (IHDS, 2009).

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En milieu rural, les salaires sont versés soit en argent, soit en nature, soit de façon mixte. Le salaire moyen d’un ouvrier agricole est à deux euros par jour (150 Rs/j en 2015-2016) et les hommes gagnent une fois et demie de plus que les femmes malgré leur participation à des travaux agricoles similaires (semis, repiquage, coupage, récolte, désherbage…). Seuls ceux de l’Himachal Pradesh, du Jammu et Cachemire et du Kérala touchent des salaires supérieurs à 150Rs/j. Paradoxalement, dans des États aussi urbanisés et industrialisés que le Maharashtra ou le Tamil Nadu, les conditions de salaires sont les mêmes que dans ceux du Bihar ou du Madhya Pradesh.

En Inde, les discriminations générées par le marché, les contraintes institutionnelles et les conventions sociales persistantes se combinent pour renforcer les inégalités de genre d’où la nécessité de s’attaquer aux facteurs qui cloisonnent les opportunités économiques et enferment les femmes dans le piège d’une faible productivité. Paradoxalement, ces nouveaux espaces de travail localisés dans les zones les plus reculées présentent des nouvelles possibilités de libération, d’autonomie, tout en créant de nouvelles formes de dépendance (rémunération dérisoire, temps de travail abusif, augmentation de la charge de travail…).

Conclusion

Dans le contexte indien, l’identité de genre est certainement un facteur additionnel d’inégalité sociale, mais elle n’agit pas indépendamment de la classe ou de la caste ou du lieu géographique.
Les expériences du Kérala, et, dans une moindre mesure, celles des Etats urbanisés et industrialisés montrent à l’évidence qu’une politique de planification familiale efficace implique non seulement une scolarisation générale des filles et une promotion de la santé, mais aussi un changement des comportements culturels et l’amélioration de la condition féminine en général.

À partir de cette analyse intersectionnelle des inégalités de genre en Inde, on est amené à se dire que la question de la justice est prioritaire dans la réflexion sociale, d’autant que ces débats de la justice pour les femmes ont été entamés, en Inde, dès les années 1950, au moment de la mise en place de la Constitution. En théorie, elle protège tous les Indiens de toute discrimination fondée sur la race, la religion, la caste et le genre (articles 15 et 16) en promouvant une discrimination positive sous forme de quotas dans les assemblées, dans l’éducation et dans le secteur public à l’égard des populations les plus « opprimées ».

Cependant, les inégalités de genre ont été régulièrement laissées de côté, comme l’ont été les désavantages liés au fait d’appartenir à une minorité religieuse particulière (notamment musulmane) lorsqu’elle se révèle incompatible avec la caste. La politique indienne, comme on pouvait s’y attendre, a montré au fur et à mesure du temps que les castes et les groupes apparentés, tels que les OBC (Other Backward Classes), ont tendance à l’emporter sur les identités du sexe ou des minorités, même si ces dernières s’imposent pour ce qui concerne les lois personnelles (Hasan, 2014).

En d’autres termes, les castes et tribus répertoriées et les OBC sont devenues des catégories politiques grâce aux quotas. Certes les femmes ne sont pas une entité homogène, elles sont différentes par la caste, la classe, la religion ou le lieu. Pourtant, c’est également le cas des OBC qui ont su néanmoins dépasser cette hétérogénéité et cette dispersion grâce à la mobilisation politique et aux quotas qui ont été déterminants pour leur succès politique. Cependant, les pesanteurs socio-culturelles semblent limiter toute évolution significative en termes d’égalité de genres, en dépit des nombreuses lois sociales rarement appliquées, notamment dans le Nord. En effet, la représentation des femmes comme épouses et mères, faibles, passives et nécessitant protection, inspire largement les interprétations et décisions judiciaires. Finalement, la famille continue à être construite comme une sphère privée, échappant à l’intervention légitime de la loi (K. Marius, 2016).

Le système légal en Inde doit encore dénouer cette contradiction fondamentale entre les différentes législations progressistes qui ont pour objectif l’autonomie des femmes, et leur traitement concret par le droit personnel et coutumier de leurs communautés.

Compléments bibliographiques

Voir aussi

 

Kamala MARIUS
Géographe, maîtresse de Conférences HDR,
Université Bordeaux Montaigne, 
UMR LAM (CNRS/Sciences Po Bordeaux)
Institut Français de Pondichéry, UMIFRE 21 CNRS/MAEE

Merci à Anne Le Fur pour la réalisation des cartes de ce corpus.

mise en web : Jean-Benoît Bouron


[1] L’intersectionnalité (Crenshaw, 2005) est une démarche tout à fait utile pour la géographie car elle permet d’étendre considérablement le travail de déconstruction sur les pratiques spatiales en intégrant les mécanismes de domination divers, liés au sexe, au genre, à la caste, à la communauté, aux générations. Cette réflexion sur l’intersectionnalité des catégories de genre, race et caste a très largement nourri le champ des postcolonial studies, des diapora studies, des queer studies.

[2] Les brahmanes appartiennent à l’ordre le plus élevé (varna) du système des castes (Marius-Gnanou et al., 28, 2015)

[3] Amartya Sen est sans doute l’un des penseurs indiens qui a proposé l’une des analyses les plus pertinentes sur les inégalités dans le contexte indien en adoptant une approche multidimensionnelle, combinant classe, caste et genre.

[4] Les données sont issues du recensement de 2011, c’est pourquoi dans les documents de cet article l’Andhra Pradesh n’est pas divisé comme c’est le cas depuis 2014 avec la création d’un nouvel État, le Télangana.

[5] Le gouvernement central a mis en place The National Girl Child Protection Scheme, qui attribue des aides aux familles pour la scolarité de leur fille, pour leur mariage, selon leurs revenus.

[6] Guilmoto, Christophe. « La masculinisation des naissances. État des lieux et des connaissances », INED, 2015 (pdf)

[7] LiveMint, 22/10/2015 Par comparaison, la France compte 52 000 écoles primaires publiques et privées. 

[8] Les données pour cet article proviennent essentiellement de Sonalde, Desai et al., Human Development in India, challenges for a society in transition, OUP, 2010. Ce rapport récent est sans doute le mieux documenté sur les questions de développement humain en Inde. Il a été réalisé par des chercheurs de l’Université du Maryland et du NCAER entre décembre 2004 et novembre 2005. L’enquête a été menée auprès de 41 554 ménages (soit 215 000 personnes) dans 33 États.

[9] Réalisée dans six pays (le Brésil, le Chili, la Croatie, l’Inde et le  Rwanda), l’enquête menée par l’International Centre for Research on Women (ICRW) basé aux États-Unis et en Inde, ainsi que l’Instituto Promundo au Brésil, a pris en compte plus de 8 000 hommes et 3 500 femmes entre 18 et 59 ans. La conception des relations hommes-femmes y est étudiée notamment à travers les situations de violences conjugales, sexuelles, ou encore la distribution des tâches au sein de la famille. L’Inde partage le pire bilan avec le Rwanda en termes de violences conjugales et d’inégalités hommes-femmes. Les Indiens sont en tête des inégalités des sexes concernant la répartition des tâches domestiques. http://www.icrw.org/publications/evolving-men

[10] Sahoo, Raju, 2007, Social change, vol 73, n°4 p. 131-152

[11] http://www.oecd.org/fr/eco/Inde%202014%20Synthese.pdf

 

Je ne te dis pas au revoir, Franz Isel -C.P.REGHUNADHAN NAIR

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 (Un poème de notre ami C.P. Regunadhan Naïr,  écrit à la suite du décès de son ami )nair

 C.P.REGHUNADHAN NAIR

(Titulaire d’une maîtrise en chimie appliquée de l’Université de Cochin, Inde en 1979 et d’un doctorat en matériaux macromoléculaires de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg en 1989 avec une note exceptionnelle. Après avoir travaillé au Centre spatial de l’Inde (ISRO) à partir de 1980 pendant trente ans, à différentes capacités, il a pris sa retraite en tant que Scientiste-H et Sous-Directeur de ISRO en 2016.Il était aussi chercheur invité du CNRS, France en 1993.  Un académicien fort en tant que chercheur, il a publié plus de 185 articles de recherche originaux,4 livres et 20 chapitres de livres, plus de 140 articles de conférence et 30 articles de science populaire et a déposé 25 brevets pour ses inventions. A son palmarès, il faut ajouter le prix national de l’Inde, obtenu sept fois, pour l’excellence en recherche scientifique.

  Actuellement, il est KSCSTE EMERITUS SCIENTIST dans le Département de, Polymer Science et Rubber Technology à l’Université de Cochin, Inde.)

                                                                  ———————-

JE NE TE DIS PAS AU REVOIR, FRANZ ISEL!

C.P. Regunadhan Naïr

Au crépuscule dans la cour, je m’assois,

Regarde le ciel et les oiseaux qui volent

Vers l’horizon rouge en colère.

Pourquoi es-tu parti sans me dire ?

 

Invisible, tu étais mon ami et mon frère.

Ton amitié m’a rendu heureux et fier.

Un vide pas rempli ton départ laisse.

Le mur de mon cœur se casse.

 

Il est temps de laisser aller

Ton esprit comme un oiseau libre ;

On n’est pas d’accord, tu es parti,

Tu vis toujours dans notre esprit.

 

On doit te laisser dormir, il le faut

Au Oberkutzenhausen*, ton lieu de repos.

Nous n’oublierons jamais

Ton visage au sourire enchanteur.

 

Ton départ me fit oiseau sans ailes,

Comme un écureuil sans sa queue ;

Maintenant es-tu dans un meilleur endroit ?

Se verra-t-on chez dieu, un bel endroit ?

 

Même si tu vas me manquer, Franz!

On va te laisser tranquille, en France ;

Tu resteras toujours dans nos cœurs,

Aussi cher qu’un veau pour sa mère !


*Oberkutzenhausen est une petite village alsacienne qui se trouve au nord-est de la France

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I DO NOT BID GOOD BYE, FRANZ!

                                                –C.P.REGHUNADHAN NAIR
At dusk in the courtyard I sit
Looking at the sky and the birds quit,
The nests towards the red horizon
The chest grows heavy with thoughts of you
Your departure made me a bird sans wings
you left me a squirrel sans tail swings
Now you find self  in a better place
Shall meet at god, a beautiful place

Implicit, you were my friend and brother
Simplicity your incarnation and embodiment

The vacuum not filled, your departure leaves
A broken heart in this fragile corps

True, it’s time to let you go,
Your spirit  like a bird forgo
We cant agree, you left
you live in our heart heft

We must let you sleep
At Oberkutzenhausen, your dear village
We will cherish until the last breath
Your face, an enchanting smile with

Even if we are gonna miss you, Franz!
We won’t leave you alone in France
Of you, we leave our memories sweet
A bunch of flower of love at your feet

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