Archives Mensuelles: juillet 2021

Au jardin de Pascal Krapp

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                                                                     Krishna Nagarathinam

          Les poésies sont des bourgeons qui s’épanouissent devant ceux qui s’approchent pour en recueillir le parfum. Elles ne sont rien pour les êtres qui ignorent la présence des autres : les vivants encadrés par la terre et le ciel dans le décor de la nature. En transformant le passé en présent, ils tentent de rendre la vie éternelle pour nourrir le monde qui souffre d’incompréhension. En fait, elles constituent le souffle d’un moment précis, transmis à ceux qui cherchent à comprendre non seulement la perspective, mais aussi la rétrospective de la vie et de ses visages drôles, multiples, complexes, inouïs et incompréhensibles.

          Le monde, la nature, les humains, en général toutes les créatures ont beaucoup de choses à dire aux autres. Dans un univers animé, chaque voix est importante. Et personne n’est censé ignorer en particulier les voix qui se font entendre à l’appui de la vie humaine. Les récits, quelle que soit leur forme, nous prennent en main et nous montrent une image de la vie que nous avons ignorée en passant.

          Le poète Pascal, que je viens de connaître à travers ses sublimes vers grâce à mon ami Xavier, nous fascine beaucoup. Des moments de sa vie avec des paroles justes et belles nous emmènent dans un monde fait d’amour et de douleur. Et j’ai l’impression de me promener dans un conte de fées, chaque fois que je lis ses jolis vers.

          Dans le présent article, j’ai choisi quelques poèmes de Pascal, résultats obtenus à la suite de mes coups à la porte de son recueil « L’Adopté du père » pour qu’il vous soit ouvert, poète, pour vous le faire découvrir.

                               Ma destinée

                    À l’aube se lève une question

                    Au crépuscule se couche une réponse

                    De ta première seconde dans la lumière

                    Laisse — toi aller sur les chemins

                    Là où tu trouveras ton destin

                    Et tu y estomperas tous tes souvenirs d’hier.

          Le destin « est le premier poème de ce recueil qui m’a accueilli de manière à faire comprendre ce que nous pourrions éventuellement découvrir un peu plus loin chez le poète. Le mot “Destinée” signifie à la fois le destin et l’avenir que nous connaissons. Notre poète évoque la naissance et la mort de la vie humaine en citant l’aube et le crépuscule d’un jour. Il est vrai que le jour — par sa nature est comparable d’ailleurs à celui de notre vie : le début, le déroulement, la fin… s’élève sans doute avec une question, à laquelle on est libre de répondre, cependant la justesse et la faculté de raisonnement qu’on lui accorde écrivent le destin de chacun.   

          Le poème “Rose” illustre la beauté de l’amour et laisse parler un cœur émouvant et palpitant.   À l’aide d’un pinceau trempé dans une langue élégante, le poète applique méticuleusement du fard sur les joues de son poème.

“……

Lorsque tu es bleu,

Je me souviens de la vie à deux

J’avais voulu te peindre

Pour ne pas me plaindre,

De ce monde qui se fane

Et voulant taire à jamais mon âme.

                                       (La Rose) 

          Et voici le troisième qui a retenu mon attention dans ce recueil. En fait, je ne vois pas le titre attribué par l’auteur à ce poème qui partage l’amour profond d’un enfant envers son père qui a été dissipé dans le passé.

          ‘Papa, je ne t’ai jamais vu, et cela dès le commencement,

          mis à part quand je me regarde dans un miroir

          À cet instant, je veux être pour toi rempli d’espoir

          Papa je ne sais si tu es encore vivant,

          Si n’est dans les souvenirs de maman.

Les larmes sont nécessaires pour comprendre la douleur qui nous saisit.

          Le plus souvent, nous sommes pris dans le piège habilement tendu par le poète pour que nous puissions ressentir la douleur d’un vide survenu dans notre vie. À la tombée de la nuit, après un long voyage, rude, mystérieux, fleuri, épineux, nous essayons de nous reposer. Nul ne sait ce qui nous attend à l’aube du jour suivant. C’est Dieu seul qui le sait, pense l’auteur. Il s’agit de son choix, de sa liberté, c’est le secret de la vie humaine, nous devons le comprendre.

          ‘C’est Ta Main qui sur moi se pose

          Avant même que mon corps n’éclose

          Ce sont tes yeux qui sur mon visage se posent

          Avant même qu’un premier mot je n’ose.

                                       (Ta main, tes yeux…)

          Au jardin de Pascal Krapp, on trouvera tout ce qu’il nous faut pour alimenter notre réflexion. Rien n’échappe à ses grands yeux attentifs, à son cœur trop sensible, à ses empreintes sur la vie.

          Les poèmes que j’ai cités ne sont que quelques exemples pour apprécier sa qualité créative. Dans ce recueil, Rouge Colère, Maman, Vie, etc. tous aussi belles les unes que les autres. Comme chacun de nous, ce poète peut aussi avoir des défauts, mais dans le monde où nous vivons, ce ne sont pas des tigres, mais des cerfs qui flanchent. Le poète dit que ses poèmes sont un mélange d’anecdotes de sa vie. Certes, il nous y présente son père, sa mère, son frère, l’amour, la douleur, la blessure, la miséricorde, enfin son Dieu bien aimé.

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Corona Chat (Nouvelles )

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Corona chat est un recueil de nouvelles en français de Krishna Nagarathinam, récemment paru.
Originaire d’Inde et vivant en France, l’auteur nous fait partager des sentiments étranges et mystérieux nourris par ses errances quotidiennes dans notre monde actuel. Tout comme vous et beaucoup d’autres, lui aussi est possédé par un regard ou un dispositif bien à lui permettant de comprendre l’autre. Si même ces nouvelles nous amènent à faire des efforts pour comprendre l’auteur et par lui nous tous.

Editions Edilivre – APARIS
Le Cargo
157 boulevard Macdonald
75019 Paris

Tél : 01 41 62 14 40
Fax : 01 41 62 14 50

Bavâni, l’avatar de Mata-Hari

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L’extrait du roman ‘Bavani, l’avatar de Mata-Hari’ lu, lors d’une manifestation sur ‘la découverte de la littérature tamoule de l’Inde’, à Châteaudun du 25 au 30 mai, organisée par l’Association ‘Tu connais la nouvelle?’.

Bavâni se rappelait souvent les vers du poète Barathi : «Tout est bien venant du ciel : la pluie, l’éclair, le tonnerre, la mer et la forêt. » Tous les aspects de la pluie lui plaisaient : fureur, quiétude, rebond, compassion, valeur, cruauté, charisme, malice, désir, physique, esprit, mesure, démesure… en somme la personnalité transcendante de celle-ci : de ses perles poussées à la limite des toits de chaume, de sa course sur la pente des feuilles à court terme, de ses retrouvailles avec ses origines, la mer, la terre. La pluie déclenchait, sur son corps et sur l’âme, des frissons dont elle s’était délectée déjà. Enfant, elle s’était amusée à faire flotter des bateaux en papier ; adolescente, en serrant bien sa jupe, elle sautillait joyeusement dans l’eau pluviale et, tout en craignant les foudres de sa grand-mère, elle savourait les délices qu’elle lui offrait en tombant sur son visage, en glissant dans son dos, sur sa poitrine. Elle en avait pris froid et s’était fait soigner par la vieille femme. N’empêche ! Elle préférait marcher sous la pluie ! Mais elle, qui accueillait avec joie le déchaînement des averses, rechignait aujourd’hui devant le déferlement de sa sensualité à l’égard de son ami, car elle savait que même ceux et celles qui s’y connaissaient s’y prenaient mal.

Dans la région de Pondichéry, il fait un temps exceptionnellement beau avant et après la saison des pluies. Les mois d’aïpasi et de kartikaï (octobre et novembre) pour le père de Bavâni, étaient les meilleurs de l’année. Il se tenait en extase devant le ciel qui accueillait les nuages pluvieux, comme s’il avait découvert une trouvaille inouïe. Son cœur et son corps en ressentaient les effets qui se transmettaient parfois à sa fille. Il préférait se présenter le buste nu : « Regarde ! Regarde ! C’est un spectacle unique, mais sans lendemain », disait-il à sa fille. Plus d’une fois, elle en sentait le frisson qui se répandait sur tout le corps. « La pluie est un être supérieur, disait-il, un objet de culte, le tremplin des rêves ». Il se mettait ensuite à contempler l’horizon où le soleil fatigué, assiégé par des nuages, se débarrassait de ses attaquants avec l’aide du vent. Quand d’autres nuages le prenaient d’assaut, il se résignait à la méditation que le mouvement onduleux des vagues s’acharnait à troubler. Mais en se sentant envahie par la senteur salée de l’air marin, la fille disait à son père :

– Papa, peut-on rentrer ?

– Il faut s’accoutumer à la pluie, répondait le père. Ni le froid de la neige, ni la fureur du vent, ni le soleil ardent n’ont une telle majesté ! Seules l’eau et la pluie, sa source, ont la capacité de niveler les hauts et les bas de la vie. C’est la pluie qui est la source de notre naissance et de notre vie ; même si je suis dépourvu de nourriture, je survivrai en consommant l’eau de la pluie comme l’oiseau mythique sakravaka. La pluie est, pour moi, une panacée.

Mlle Tamari

Le père, qui admirait tant la pluie, avait peut-être choisi un jour de pluie pour quitter ce monde. Des images se déroulaient devant ses yeux : le père qui descend dans la mer, elle qui crie au bord de l’eau, le corps du père ramené à la maison où on l’a étendu sur le perron, le ventre boursouflé, les yeux tout rouges, le nez pris d’assaut par les mouches, le corps, enfin, transporté vers le champ de la crémation, les gens qui apportent des quantités supplémentaires de pétrole pour brûler le corps… Si seulement on pouvait dissoudre le corps dans la pluie !

Elle sortit de sa chambre. Son regard embrassait la vaste étendue de terre vers le Sud, plantée d’arbres qu’elle ne distinguait pas clairement. Sur le bord de la rivière d’Ariankuppam, se dressaient des cocotiers, des manguiers, des jacquiers. Une foule de grues blanches planait au-dessus de ces arbres, puis un peu plus loin, on voyait un nuage gris. Tout à coup, quelques merles venus de nulle part s’envolèrent, les arbres détournèrent la tête devant le vent. Le vent était si frais qu’elle se décida à rentrer. Quelques secondes plus tard, elle se retrouva dans la cour intérieure de la maison ; tout en s’appuyant contre un pilier, elle leva sa tête vers le ciel et, pour répondre à son attente, des gouttes commencèrent à tomber.

Depuis quelques années, la liste des choses préférées de Bavâni contenait, entre autres, l’air, le feu, la terre et le ciel. Cela était peut-être dû à la pluie. Si son père était encore en vie, il lui aurait tout expliqué. C’est grâce à lui qu’elle avait appris à oublier tout ce qu’elle n’aimait pas et à s’enraciner dans le ciel, à étendre les branches au fond de la terre, à boire l’air, à respirer l’eau, à se tremper les doigts dans le feu. En fait, elle savait qu’elle n’était pas comme les autres, mais le dilemme en elle, c’était son impossibilité à être comme elle le souhaitait.

  • Tu t’amuses sous la pluie à longueur de journée et puis, la nuit, tu tousses. Si tu tombes malade, je ne saurai pas quoi faire à mon âge, disait la grand-mère.

Bavâni en avait marre (assez) d’entendre la même litanie depuis toujours.

  • Pâti, ne recommence pas !
  • Mais si ! Si tu tombes malade, où trouverai-je un médecin pour te soigner ?
  • Si tu n’arrêtes pas, un jour ou l’autre, je partirai sans rien dire.

Des larmes ruisselaient en cascade sur le visage buriné de la vieille femme.

  • Non, non, Pâti ! hurla-t-elle. Je ne te quitterai pas. Où veux-tu que j’aille sans toi ?

Elle serra la grand-mère contre elle, et laissa durer la situation afin que le corps mou de cette dernière, animé d’un souffle tiède, prît son temps pour s’assimiler au sien. Elle essuya les larmes de l’aïeule. Au dehors, la pluie tombait en averse. Le tonnerre grondait. L’eau coulait abondamment dans la rue. Elle faisait des bulles qui s’éloignaient les unes des autres en crevant.

« Laquelle de ces bulles suis-je ? Et laquelle est la grand-mère ? D’après la loi de la création, moi, je suis celle qui se forme et la grand-mère est celle qui crève. Celles qui se sont déjà éloignées représentent peut-être papa et maman. La vie est-elle un éloignement constant ? Comment pourrais-je m’éloigner de cette maison et de ma grand-mère ? »

***

Bavâni, l’avatar de Mata-Hari (Roman)

de Krishna NAGARATHINAM

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Je vis dans le passé – Krishna Nagarathinam

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« Je vis dans le passé » est le nouveau roman de Krishna Nagarathinam, écrivain apprécié par les critiques indiens connus au Tamil Nadu, raconte le passé et le présent d’Auroville – une ville universelle où les hommes et les femmes de tous les pays peuvent vivre en paix et en harmonie progressive, au-delà de toutes les croyances, de toutes les politiques et de toutes les nationalités – à travers l’aventure inattendue d’une jeune parisienne nommée Mira. La jeune Mira, lassée de sa vie étourdissante, et d’une mère incompréhensive tente d’écrire son destin en s’installant à Auroville, la ville utopique rêvée par ses fondateurs. Elle ignorait que son parcours et celui de sa mère seraient identiques. Toute l’ironie de son histoire, non seulement son passé mais le passé de sa mère et de son amie américaine poursuit son présent.