Archives Mensuelles: septembre 2021

Art Abstrait et M. Benît DEQUE

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– Krishna NAGARATHINAM

         

En général, l’art est la volonté de l’artiste de transmettre au public la perception de ses sens et la compréhension de son esprit. En fait, il transforme ses perceptions, des expériences inhabituelles de son esprit en forme d’art dans son atelier d’intelligence divine et cultivée. C’est là que son grand esprit le conduit à pétrifier ses investigations, ses études, ses impressions en peignant, en dessinant, en écrivant, en sculptant tout en combinant la connaissance et l’esthétique avec finesse, afin de faire ressentir aux autres le maximum d’intuition et de compréhension de la sienne.

Comprenons une chose, fondamentalement, un artiste communique au monde extérieur à travers ses œuvres, un sentiment qui réchauffe son cœur et apaise l’effervescence de son corps dans un esprit de partage. Malheureusement, contrairement à la nature, en dehors de leurs actes physiologiques de fécondation, dans la forêt humaine, nous avons très peu d’esprits humains qui partagent le plaisir de fleurir et de donner des fruits. Ajoutons à cela que seuls quelques écureuils ou perroquets qui les croisent sur leur chemin peuvent profiter de ces dons, tandis que ceux qui dévient et choisissent d’autres chemins n’auront pas l’occasion de goûter. Qu’il s’agisse d’un fruit ou d’un art, il n’attend que son propre admirateur, une fois sorti.

L’écrivaine française Marguerite Yourcenar est l’auteur du célèbre roman « Mémoires d’Hadrien ». Dans une interview, elle dit que « Je ne m’attendais pas à ce que dix personnes lisent ce livre. Je ne m’attends jamais à ce qu’on lise mes livres, pour la simple raison que je n’ai pas l’impression de m’occuper de choses qui intéressent beaucoup la plupart des gens. (YO, p. 165). »

Je pense que, contrairement aux autres artistes, l’artiste abstrait est celui qui ne se contente pas de l’apparence, ou de l’aspect extérieur. Certes, il pétrifie, par son grand esprit, encouragé dans sa démarche par l’émotion et l’intuition, les formes plus ou moins justes ou en d’autres termes il expose au monde extérieur un être, avec toutes ses perfections et ses défauts, ce qui manque généralement aux autres arts. C’est pourquoi je pense que les artistes abstraits sont atypiques et différents et qu’ils sont pour moi les chasseurs ou les jurys de vérités. Benoît DECQUE est un tel artiste, je l’ai rencontré récemment. Voici une interview de lui.

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1 Bonjour, monsieur, je vous contacte au nom d’un blog intitulé Chassé-croisé France-Inde, créé il y a quelques années dans le but de partager nos deux cultures.   Veuillez vous présenter, nous donner une brève biographie, et expliquer pourquoi vous avez choisi d’être un artiste

• Originaire de Strasbourg, je suis né le 9 août 1951, je réside et travaille toujours dans cette ville. De formation scientifique, je me suis rapidement tourné vers l’architecture et j’ai obtenu mon diplôme en 1976. A partir de 1982, j’ai exercé une double activité d’artiste et d’enseignant à la Haute Ecole des Arts du Rhin à Strasbourg. En 2008, j’ai reçu le prix du Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines de Strasbourg. Aujourd’hui, je me concentre principalement sur la peinture.

2. Pour être honnête, ma connaissance de l’art contemporain est plutôt modeste, et pourtant c’est votre travail qui me conduit à l’art abstrait. Si j’ai raison, veuillez m’expliquer pourquoi vous avez choisi l’art abstrait et pas d’autres.

• Mon travail est multi facettes : Peintures, mais aussi dessins de grand format, installations murales, urbaines ou… paysagères, quelques performances et de multiples curiosités, telles sont les composantes d’une pratique croisée dans laquelle je m’exerce librement : autant de confrontations qui me permettent de construire un terrain aux enjeux pluriels où s’installent les fondements de ma démarche artistique.

3. Sur vos dessins, nous voyons également des collages avec des éléments tels que des formes, des supports et d’autres ressources regroupées. Comme les possibilités sont infinies avec ce type de conception, comment reconnaissez-vous exactement quand vous avez terminé ? Et que dites-vous à travers cela ?

Le travail que je fais en tant que peintre se situe délibérément entre l’abstraction et la figuration, une abstraction qui contient suffisamment d’indices pour permettre au « spectateur » de s’ouvrir à une multitude d’imaginations qui lui sont propres… un travail qui même une fois terminé donne envie d’aller plus loin et comme je le dis moi-même « Mon travail n’est jamais terminé, toujours une envie de le développer, de le reprendre, un travail toujours en cours… »

4. Et la plupart des dessins sont pleins de couleurs vives et de vie. Qu’est-ce qui vous inspire exactement pour créer des motifs aussi vivants ?

• Je travaille beaucoup les couleurs, elles s’affirment dans leurs harmonies autant que dans leurs oppositions… Elles s’entrechoquent, elles nient la règle et interviennent dans un désordre qui n’appartient qu’à elles… Le sujet ? Peu importe, il s’agit de peinture et tout le champ est encombré. Il s’agit d’une bataille !

5. Où trouvez-vous votre inspiration ?

• A travers mes pratiques croisées, mes préoccupations et recherches multiples et surtout grâce à ma curiosité tous azimuts, je construis jour après jour mon propre champ d’investigations que je qualifie de pluriel ; c’est dans cette pluralité que je trouve les bases de mon inspiration artistique.

6.  Quel message souhaitez-vous nous transmettre à travers vos œuvres ?

• Un message à transmettre à travers mers œuvres ? Ce n’est pas sûr qu’il y ait de message particulier dans mon travail… peut-être provoquer le plaisir de l’œil, simple plaisir rétinien… inviter à une certaine légèreté dans l’interprétation des choses – et peut-être du monde – mais toujours susciter une envie de liberté : peindre pour être libre !

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Grognements nocturnes de la porte (Nouvelle)

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                                                     K.J. Ashokkumar

(KJ Ashokkumar est un jeune écrivain tamoul originaire de l’État du Tamil Nadu. En 2016, son premier recueil de nouvelles a été publié et récompensé comme le meilleur recueil de l’année par deux organisations littéraires. Un roman est sur le point d’être publié)

Grognements nocturnes de la porte

Le rêve qu’il fit à l’aube, alors qu’il somnolait, était semblable à la phase intense d’une relation sexuelle, et l’on pourrait aussi dire qu’il s’agissait d’une rêverie permanente d’un souvenir. Souvent, il se réveille avec les répercussions de tels rêves. Parfois, après s’être réveillé, il lui faut quelques minutes pour se rendre compte que ce n’était qu’un rêve. Alors, pour se débarrasser du choc qu’il a subi, il est obligé de le faire comme s’il avait autre chose à penser. Malgré cela, il n’arrive pas à s’en débarrasser et il le ressent jusqu’à ce qu’il se couche la nuit suivante.

Au matin, lorsque Koothaiyan se réveille, le visage qui était apparu dans son rêve lui semble très familier. En même temps, il est un peu confus, car ce n’est pas le visage de feu Vasuki, sa première femme. De plus, de telles suppositions le font se sentir agacé et frustré. De plus, ce visage était allongé et avait un grain de beauté sur la lèvre inférieure. Néanmoins, le corps nu avec des seins tressaillant et un vagin proéminent correspondait à celui de Vasuki. En s’approchant de la fille, il s’est rendu compte que ce n’était qu’un rêve, mais il ne pouvait pas s’en sortir. À ce moment-là, alors qu’il l’embrassait et atteignait l’orgasme, poussé par le vent, la porte de la cuisine a provoqué un cri strident, exactement comme celui de Vasuki au moment de son plaisir sexuel. Lorsque Bavani était à la maison, elle prenait soin de fermer la porte. Depuis qu’elle l’avait quitté et était retournée chez ses parents, il avait oublié de fermer la porte correctement. Ne pouvant tolérer le grincement de la porte, il s’est soudainement levé et a agité ses jambes comme pour s’échapper de cette situation intolérable.

C’est avec les mêmes souvenirs, accompagnés de fortes palpitations et maux de tête, qu’il se brossa les dents en regardant le canal qui coulait devant sa maison. Pour lui, cette eau qui avait été si pure durant son enfance était devenue un égout. Il jeta un caillou dans l’eau, qui fit plusieurs anneaux pendant un instant avant de disparaître dans l’eau. Puis ses yeux se tournèrent vers l’intérieur du toit de sa maison. Il y vit des toiles d’araignée, comme si l’on venait de le remarquer pour la première fois. Il aurait pu prendre le temps de les nettoyer, mais il ne le fit pas. Avec sa réticence habituelle, il a continué à se brosser les dents. Après avoir pris une douche, derrière la maison, il rentra chez lui et prit son petit déjeuner : du riz cuit à la veille mélange de l’eau, accompagnée d’un cornichon, tout en se demandant pourquoi l’idée de fermer la porte avec le loquet ne lui venait que dans la journée. Si Vasuki était là, elle lui servait son petit déjeuner avec une certaine amertume, mais il entendait les bruits de ses bracelets de bras et de cheville, comme elle était présente et se déplaçait dans la maison.

La chemise et le dhoti accrochés à un anneau fixé au mur avaient l’air sales. Une fois habillé, il a remarqué que les poches de la chemise et le dhoti à la hauteur des cuisses étaient également plus sales. Il s’agissait de taches huileuses provenant du travail du magasin qu’il tenait. Alors, faisant fi de tout comme toujours, il descendit de sa maison avec son vélo.

Au moment où Koothaiyan traversait le petit canal avec son vélo en passant par un tronc de cocotier, son ami Sellaya, qui se rendait quelque part, a hoché la tête avec un grand sourire, mais notre homme n’a pas accordé beaucoup d’importance au sourire de son ami. Bien sûr, ce dernier s’était moqué de lui, il le comprit, mais son indifférence à l’égard de l’attitude de son ami le surprit. Vasuki lui avait également souri de façon moqueuse à plusieurs reprises, mais heureusement une douce odeur de terre, émanant de son corps, l’avait poussé à faire preuve d’une certaine gentillesse. En fait, comme une sorte de contrat non écrit entre eux, si le moindre mépris surgit dans la famille, il se termina rapidement en extase.

         Le vélo a un peu souffert quand il s’est assis sur le siège du vélo. Ce vélo a été acheté par son père, alors que le fils n’était encore qu’un enfant. Après sa mort, c’est son fils qui s’en est emparé. Se laissant flotter dans les souvenirs et les rêves, il pédale sur son vélo en admirant la rue qui court au même rythme que lui dans la direction opposée. Il a l’impression que les couleurs s’estompent et sont prêtes à donner leur vie à tout moment en se séparant. La roue avant, légèrement tordue, oscillait comme si elle ne voulait pas porter son maître. Son magasin est situé dans une rue principale de la ville. Depuis la mort de son père, la boutique est ouverte tous les jours et son seul ami actuel est Manikam, un veuf qui possède un magasin de vélos à louer.


       Il s’agit d’une petite épicerie avec peu de lumière pour identifier le gérant et ses marchandises. Il cherche occasionnellement les marchandises dans une commune voisine un peu plus grande que la sienne. Il n’est donc pas nécessaire de parler de la clientèle, elle aussi vient de temps en temps. Un jour, un client était venu, il était peut-être pressé, il a demandé du curcuma. Notre vendeur, au lieu de servir le client, s’était égaré dans ses souvenirs, alors le client, qui avait du mal à attendre, est parti immédiatement, et cela suffit pour comprendre comment il tient son magasin.

Son corps commencera à se contracter s’il pense à Vasuki. Il est obsédé par l’idée qu’il n’a pas réussi à contrôler la douceur de son corps. Souvent, assis dans le noir, il s’interroge sur l’effondrement volontaire d’elle pendant leur coït et sur la vérité qui se cache derrière. À l’apogée de leur relation corporelle, il craignait de regarder dans les yeux de Vasuki, car ils ressemblaient aux yeux du fauve. À ce moment-là, même les mouvements de son corps lui semblaient être ceux d’une bête arrogante, et pourtant elle se fondait dans leur acte.

Il l’a épousée un jour de pluie dont on se souvient encore. Pour cela, il dut faire face aux moqueries de ses proches qui lui reprochaient d’avoir mangé du riz trempé pendant son enfance, comme le dit la légende locale. L’enthousiasme de sa mère l’a déconcerté ce jour-là. Peu après la naissance de son fils, elle était devenue sourde et s’était retirée du monde de la gaieté, qu’elle couvrait d’un silence permanent. Il était amusant de la voir, rompant avec son univers habituel, s’enthousiasmer pour le mariage de son fils. Il remarquait aussi que le bel esprit qu’il avait trouvé chez sa mère pendant son mariage se perdait peu à peu et finissait par se transformer en mépris pour Vasuki. Il y avait d’autres raisons à cela. Elle comprit que le comportement agité de sa belle fille dans la maison était dû à sa relation sexuelle malheureuse avec son fils. Mais ce dernier faisait tous les coups contre Vasuki, pour l’humilier. Il n’était pas prêt à accepter son incapacité dans cette affaire, d’ailleurs, plus elle se l’éloignait, plus il allait vers elle, et son attitude la poussait à le détester encore plus.

Ce n’est qu’alors qu’il s’est rendu compte qu’un écolier se tenait devant lui. Le ton, qui soulignait « Frère, donne-moi de l’encre », a peut-être été entendu une deuxième ou troisième fois. Après le départ du garçon, ses pensées se sont remises à vagabonder. Il s’est assis sur son trépied préféré et a commencé à regarder le mur opposé.

Il est impossible de ne pas ricaner chaque fois qu’il pense à Sivaguru, qui vit tout près de chez lui. On a dit que le langage corporel excessif de ce dernier, son rire et son discours fort étaient des facteurs d’attraction des femmes, mais il ne l’a jamais cru, maintenant il y croit. Désormais, s’il lui arrive de croiser Sivaguru, ses yeux se baissent à nouveau et il fait inconsciemment semblant de se concentrer sur autre chose. Lorsque sa mère lui a étrangement raconté son choc en apprenant la vie extraconjugale de sa femme, il était plus inquiet de l’état d’esprit de sa mère que de lui-même.

Le jour où elle a été prise en flagrant délit, elle avait quitté leur maison. Pour la première fois, il vit des larmes dans les yeux de sa mère. Quand elle lui a dit : « Tu n’as pas besoin de cette fille », c’était dur à encaisser. Elle ne vivait, après avoir perdu son mari dans sa jeunesse, que pour son fils et ses héritiers, pour qu’il puisse la comprendre. 

Le lendemain, Vasuki avala du poison, se roula pendant quelques minutes dans le couloir, puis se donna la mort. Ni lui ni sa mère ne s’y attendaient. La mort sera-t-elle capable de nettoyer tous les dégâts ? Les ruses de Vasuki pour cacher la vérité ou les mensonges n’ont donné que des calomnies à la famille. Comme des fourmis s’approchant de bonbons, la maison entière était remplie de gens et l’on voyait des têtes humaines partout. La mère et le fils étaient incapables de répondre aux questions des proches. Vasuki semblait dormir avec les yeux mi-clos alors qu’elle était morte. Il la fixait, s’attendant à ce qu’elle se réveille à tout moment, alors que le corps gisait dans le couloir. Le poids de la perte de Vasuki a pesé sur son esprit pendant un long moment. Au-delà de ce qu’elle était vraiment, il se sentait en quelque sorte coupable de sa mort. Tout comme sa mère, il avait l’impression que la série de ses silences avait commencé à partir de là.

Comme d’habitude, il a allumé son magasin tard après s’être rendu compte que la nuit est tombée et que les lumières des autres magasins sont allumées. Il a repensé à sa maison. Sa présence solitaire lui rappela sa maison, en particulier le fait que la porte de la cuisine réclama son attention. Il essaie de comprendre pourquoi elle lui semble si proche de son cœur et pourtant si méprisable. À plusieurs reprises, la porte lui a parlé intimement et parfois elle l’a regardé sans le moindre signe. Chaque jour, il envisage de fermer la porte pour ne pas l’entendre rouspéter, mais il ne comprend pas pourquoi il oublie toujours.

Deux ans plus tard, il s’est remarié sur l’insistance de sa mère. Elle ressemblait à un poussin quand elle est venue chez eux. La pauvreté de sa famille l’a poussée à accepter un veuf comme mari.   Lorsqu’il l’a touchée pour la première fois, ses jambes, ses mains et sa poitrine ressemblaient plus à un corps d’enfant qu’à celui d’une femme, et il avait souvent l’impression d’approcher une fille malade.

La mère lui a demandé de sortir avec sa nouvelle femme. Selon elle, ce genre de pratique permettrait de rapprocher le couple et d’apaiser les ragots. Mais malheureusement, la mère, qui était sa sage conseillère pour une vie de couple harmonieuse, est décédée avec diverses douleurs physiques et mentales avant que toute réciprocité ou attente ne puisse être satisfaite.

         Cette nouvelle femme, en peu de temps, commença à se quereller avec sa belle-mère et prit l’habitude de se rendre chez ses parents après chaque incident. Lui-même, pendant sa pause déjeuner, se rendait à vélo chez ses beaux-parents pour la chercher après avoir réussi à la ramener au calme. Mais elle ne s’est jamais disputée avec son mari du vivant de sa belle-mère. Mais hélas, il arriva un jour, quelques jours après la mort de sa mère, par suite d’une dispute avec lui, qu’elle se rendit chez ses parents.

Le soir, dès qu’il entre dans sa maison, il doit préparer son dîner : du riz avec de la sauce, presque de la même manière que sa nouvelle femme, cependant, en cuisinant, elle a pu lui épargner un surcroît de fatigue. Le vent froid et la pluie rendaient les choses encore plus difficiles. Il prit la lampe et l’alluma dans l’obscurité familière. La lampe à huile l’aida à voir le canal vacillant et s’écoulant lentement. Il est presque dix heures du soir et il n’y a personne dans la rue.

Ce qu’il ne comprend pas, c’est la peur qui le recouvre depuis quelque temps, comme une grande vague, à tel point que même le gommier rouge qui est en face de sa maison lui apparaît avec la langue sortie, les bras tendus, une jambe levée et les cheveux lâchés comme un esprit maléfique et lui fait avoir la phobie de sa vie.

Parfois, dans ses rêves, il marche longuement en suivant un chemin bordé de buissons, imaginant des incidents plus graves, comme qu’un chat brun se jette sur lui à un endroit inattendu. Il se réveille alors en sueur, tourmenté par des cauchemars. Depuis son second mariage, il fait ce genre de cauchemars, mais le miaulement qu’il entend à la fin ressemble plutôt au grognement de sa première femme, Vasuki. Ce qui est encore plus étonnant, tout en étant libéré de la peur, il est surpris de voir un chat près de la porte.

Le vent léger et froid secoue les feuilles et lui montre la présence de ce grand arbre. Les stries lumineuses de ses bords lui rappellent de la cornée de l’œil de sa seconde femme. Le fait de penser à elle entraîne le jeune homme dans l’obscurité comme un poisson s’immerge dans l’eau sombre du fond. Au bout d’un moment, il se rend compte que ses jambes tremblent. Il ressent également une forte pression sur sa poitrine et craint qu’elle ne se brise à tout moment. « Ce sont des épreuves que je n’ai jamais eues auparavant, assez pour faire rire Sivaguru », pensa-t-il.

Contrairement à sa première femme, c’est lui qui détestait la seconde. Il se souvient du visage de cette dernière le jour où elle a appris son mécontentement à son égard, et alors toutes ses craintes ont commencé à proliférer. Cependant, la nouvelle ne lui a jamais fait des reproches, mais elle obéissait à ce qu’il disait.

Le soir, après le dîner, il voulait dégager la porte qui faisait un bruit rappelant les grognements de Vasuki. Quand la seconde était avec lui, elle a pu empêcher ce désagrément, et c’est un mystère incompréhensible pour lui.   Les mots de sa mère qui l’a souvent servi jusqu’à sa mort « Susamama Iruntukkoda » (ne sois pas naïf !) qui lui vient à l’esprit lui donnent la nausée.

         Avec un peu de tristesse, la porte se détacha avec son habituel grognement haineux. Il eut l’étrange sensation d’être allégé après la décharge d’un important volume de son corps. Cette nuit-là, après plusieurs mois, il a pu trouver un sommeil profond. Le lendemain matin, devant le miroir, un sourire apparut sur son visage et il déambula un moment en se regardant dans le miroir. Il quitta la maison et prit un bain dans le réservoir où il s’était baigné lorsqu’il était enfant. Se réjouissant de ce moment, il y nagea pendant quelques minutes. À son retour, après avoir remis la porte à sa place, vêtu comme un marié, il se rendit à sa boutique avec une joie sans précédent.

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                              – Traduis du tamoul par Krishna NAGARATHINAM

Quelle est ta première impression sur notre ville ?

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Extrait du roman « Je vis dans le passé » de Krishna NAGARATHINAM

— Quelle est ta première impression sur notre ville ? m’interrogea Madhavan. 

Nous étions assis côte à côte sur un banc devant la mer bleue, sous le soleil doux et à l’abri de nos regards allant de l’un à l’autre. Les vagues battaient en cadence les rochers noirs posés contre l’érosion de l’eau, en contrebas ; chaque fois que les embruns fouettaient nos visages, nous tentions de saisir la main de l’autre comme si nous cherchions du réconfort, sans le vouloir. Un peu plus loin de nous, quelques personnes jouaient avec les vagues comme des enfants, en trempant leurs pieds. La mer représentait une aubaine pour les citadins, mais ce n’était pas le cas à Pondichéry. En effet, je ne cessais d’être étonnée depuis que j’avais appris que les Pondichériens se dispensaient de baignade sur la plage sauf pour une raison religieuse ou professionnelle.

— Quelle est ta première impression sur notre ville ?

Après quelques secondes de réflexion, j’ouvris de grands yeux et commençai à parler sur un ton différent :

— Écoute ! D’après moi, il y a deux Pondichéry. Celui de l’est et celui de l’ouest. Tout ce que j’ai visité avec toi, l’ashram, les anciens édifices peints en gris et blanc, les monuments, les rues calmes, les maisons coloniales, sauf le temple… En bref, cette partie est de la ville pour moi n’est rien d’autre que l’héritage de la colonisation, que des corps sans âme. En revanche la partie ouest, avec sa gare routière, ses quartiers populaires, ses rues bruyantes, ses marchands, ses crieurs de légumes et de fruits que j’ai eu l’occasion de voir ce matin avant d’arriver chez toi, m’ont plu davantage ; ils étaient aussi beaux que votre famille. Donc je n’ai aucune raison de ne pas préférer la partie ouest de Pondichéry à celle de l’est. Tu dois comprendre que les personnes que l’on aime et les objets que l’on préfère sont toujours les meilleurs. Tu peux aimer Pondichéry, comme j’aime Paris ou Jessica, Pasadena. Tu peux alors me demander pourquoi voyage-t-on ? On voyage parce que nous n’arrivons pas à trouver tout ce qu’il nous faut chez nous ; il faut sortir, on doit chercher ailleurs ou bien, quand l’on en a marre de notre vie monotone, un ailleurs cligne des yeux et nous invite à venir le découvrir chez lui. Mira Alfassa est venue à la recherche d’Aurobindo car sa présence physique était introuvable à Paris. Pour elle, si Pondichéry était beau, c’est parce que c’était là que son futur ami spirituel se trouvait. C’est pareil pour moi, l’endroit où je retrouve les choses que je cherche est toujours magnifique.

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