K.J. Ashokkumar
(KJ Ashokkumar est un jeune écrivain tamoul originaire de l’État du Tamil Nadu. En 2016, son premier recueil de nouvelles a été publié et récompensé comme le meilleur recueil de l’année par deux organisations littéraires. Un roman est sur le point d’être publié)
Grognements nocturnes de la porte
Le rêve qu’il fit à l’aube, alors qu’il somnolait, était semblable à la phase intense d’une relation sexuelle, et l’on pourrait aussi dire qu’il s’agissait d’une rêverie permanente d’un souvenir. Souvent, il se réveille avec les répercussions de tels rêves. Parfois, après s’être réveillé, il lui faut quelques minutes pour se rendre compte que ce n’était qu’un rêve. Alors, pour se débarrasser du choc qu’il a subi, il est obligé de le faire comme s’il avait autre chose à penser. Malgré cela, il n’arrive pas à s’en débarrasser et il le ressent jusqu’à ce qu’il se couche la nuit suivante.
Au matin, lorsque Koothaiyan se réveille, le visage qui était apparu dans son rêve lui semble très familier. En même temps, il est un peu confus, car ce n’est pas le visage de feu Vasuki, sa première femme. De plus, de telles suppositions le font se sentir agacé et frustré. De plus, ce visage était allongé et avait un grain de beauté sur la lèvre inférieure. Néanmoins, le corps nu avec des seins tressaillant et un vagin proéminent correspondait à celui de Vasuki. En s’approchant de la fille, il s’est rendu compte que ce n’était qu’un rêve, mais il ne pouvait pas s’en sortir. À ce moment-là, alors qu’il l’embrassait et atteignait l’orgasme, poussé par le vent, la porte de la cuisine a provoqué un cri strident, exactement comme celui de Vasuki au moment de son plaisir sexuel. Lorsque Bavani était à la maison, elle prenait soin de fermer la porte. Depuis qu’elle l’avait quitté et était retournée chez ses parents, il avait oublié de fermer la porte correctement. Ne pouvant tolérer le grincement de la porte, il s’est soudainement levé et a agité ses jambes comme pour s’échapper de cette situation intolérable.
C’est avec les mêmes souvenirs, accompagnés de fortes palpitations et maux de tête, qu’il se brossa les dents en regardant le canal qui coulait devant sa maison. Pour lui, cette eau qui avait été si pure durant son enfance était devenue un égout. Il jeta un caillou dans l’eau, qui fit plusieurs anneaux pendant un instant avant de disparaître dans l’eau. Puis ses yeux se tournèrent vers l’intérieur du toit de sa maison. Il y vit des toiles d’araignée, comme si l’on venait de le remarquer pour la première fois. Il aurait pu prendre le temps de les nettoyer, mais il ne le fit pas. Avec sa réticence habituelle, il a continué à se brosser les dents. Après avoir pris une douche, derrière la maison, il rentra chez lui et prit son petit déjeuner : du riz cuit à la veille mélange de l’eau, accompagnée d’un cornichon, tout en se demandant pourquoi l’idée de fermer la porte avec le loquet ne lui venait que dans la journée. Si Vasuki était là, elle lui servait son petit déjeuner avec une certaine amertume, mais il entendait les bruits de ses bracelets de bras et de cheville, comme elle était présente et se déplaçait dans la maison.
La chemise et le dhoti accrochés à un anneau fixé au mur avaient l’air sales. Une fois habillé, il a remarqué que les poches de la chemise et le dhoti à la hauteur des cuisses étaient également plus sales. Il s’agissait de taches huileuses provenant du travail du magasin qu’il tenait. Alors, faisant fi de tout comme toujours, il descendit de sa maison avec son vélo.
Au moment où Koothaiyan traversait le petit canal avec son vélo en passant par un tronc de cocotier, son ami Sellaya, qui se rendait quelque part, a hoché la tête avec un grand sourire, mais notre homme n’a pas accordé beaucoup d’importance au sourire de son ami. Bien sûr, ce dernier s’était moqué de lui, il le comprit, mais son indifférence à l’égard de l’attitude de son ami le surprit. Vasuki lui avait également souri de façon moqueuse à plusieurs reprises, mais heureusement une douce odeur de terre, émanant de son corps, l’avait poussé à faire preuve d’une certaine gentillesse. En fait, comme une sorte de contrat non écrit entre eux, si le moindre mépris surgit dans la famille, il se termina rapidement en extase.
Le vélo a un peu souffert quand il s’est assis sur le siège du vélo. Ce vélo a été acheté par son père, alors que le fils n’était encore qu’un enfant. Après sa mort, c’est son fils qui s’en est emparé. Se laissant flotter dans les souvenirs et les rêves, il pédale sur son vélo en admirant la rue qui court au même rythme que lui dans la direction opposée. Il a l’impression que les couleurs s’estompent et sont prêtes à donner leur vie à tout moment en se séparant. La roue avant, légèrement tordue, oscillait comme si elle ne voulait pas porter son maître. Son magasin est situé dans une rue principale de la ville. Depuis la mort de son père, la boutique est ouverte tous les jours et son seul ami actuel est Manikam, un veuf qui possède un magasin de vélos à louer.
Il s’agit d’une petite épicerie avec peu de lumière pour identifier le gérant et ses marchandises. Il cherche occasionnellement les marchandises dans une commune voisine un peu plus grande que la sienne. Il n’est donc pas nécessaire de parler de la clientèle, elle aussi vient de temps en temps. Un jour, un client était venu, il était peut-être pressé, il a demandé du curcuma. Notre vendeur, au lieu de servir le client, s’était égaré dans ses souvenirs, alors le client, qui avait du mal à attendre, est parti immédiatement, et cela suffit pour comprendre comment il tient son magasin.
Son corps commencera à se contracter s’il pense à Vasuki. Il est obsédé par l’idée qu’il n’a pas réussi à contrôler la douceur de son corps. Souvent, assis dans le noir, il s’interroge sur l’effondrement volontaire d’elle pendant leur coït et sur la vérité qui se cache derrière. À l’apogée de leur relation corporelle, il craignait de regarder dans les yeux de Vasuki, car ils ressemblaient aux yeux du fauve. À ce moment-là, même les mouvements de son corps lui semblaient être ceux d’une bête arrogante, et pourtant elle se fondait dans leur acte.
Il l’a épousée un jour de pluie dont on se souvient encore. Pour cela, il dut faire face aux moqueries de ses proches qui lui reprochaient d’avoir mangé du riz trempé pendant son enfance, comme le dit la légende locale. L’enthousiasme de sa mère l’a déconcerté ce jour-là. Peu après la naissance de son fils, elle était devenue sourde et s’était retirée du monde de la gaieté, qu’elle couvrait d’un silence permanent. Il était amusant de la voir, rompant avec son univers habituel, s’enthousiasmer pour le mariage de son fils. Il remarquait aussi que le bel esprit qu’il avait trouvé chez sa mère pendant son mariage se perdait peu à peu et finissait par se transformer en mépris pour Vasuki. Il y avait d’autres raisons à cela. Elle comprit que le comportement agité de sa belle fille dans la maison était dû à sa relation sexuelle malheureuse avec son fils. Mais ce dernier faisait tous les coups contre Vasuki, pour l’humilier. Il n’était pas prêt à accepter son incapacité dans cette affaire, d’ailleurs, plus elle se l’éloignait, plus il allait vers elle, et son attitude la poussait à le détester encore plus.
Ce n’est qu’alors qu’il s’est rendu compte qu’un écolier se tenait devant lui. Le ton, qui soulignait « Frère, donne-moi de l’encre », a peut-être été entendu une deuxième ou troisième fois. Après le départ du garçon, ses pensées se sont remises à vagabonder. Il s’est assis sur son trépied préféré et a commencé à regarder le mur opposé.
Il est impossible de ne pas ricaner chaque fois qu’il pense à Sivaguru, qui vit tout près de chez lui. On a dit que le langage corporel excessif de ce dernier, son rire et son discours fort étaient des facteurs d’attraction des femmes, mais il ne l’a jamais cru, maintenant il y croit. Désormais, s’il lui arrive de croiser Sivaguru, ses yeux se baissent à nouveau et il fait inconsciemment semblant de se concentrer sur autre chose. Lorsque sa mère lui a étrangement raconté son choc en apprenant la vie extraconjugale de sa femme, il était plus inquiet de l’état d’esprit de sa mère que de lui-même.
Le jour où elle a été prise en flagrant délit, elle avait quitté leur maison. Pour la première fois, il vit des larmes dans les yeux de sa mère. Quand elle lui a dit : « Tu n’as pas besoin de cette fille », c’était dur à encaisser. Elle ne vivait, après avoir perdu son mari dans sa jeunesse, que pour son fils et ses héritiers, pour qu’il puisse la comprendre.
Le lendemain, Vasuki avala du poison, se roula pendant quelques minutes dans le couloir, puis se donna la mort. Ni lui ni sa mère ne s’y attendaient. La mort sera-t-elle capable de nettoyer tous les dégâts ? Les ruses de Vasuki pour cacher la vérité ou les mensonges n’ont donné que des calomnies à la famille. Comme des fourmis s’approchant de bonbons, la maison entière était remplie de gens et l’on voyait des têtes humaines partout. La mère et le fils étaient incapables de répondre aux questions des proches. Vasuki semblait dormir avec les yeux mi-clos alors qu’elle était morte. Il la fixait, s’attendant à ce qu’elle se réveille à tout moment, alors que le corps gisait dans le couloir. Le poids de la perte de Vasuki a pesé sur son esprit pendant un long moment. Au-delà de ce qu’elle était vraiment, il se sentait en quelque sorte coupable de sa mort. Tout comme sa mère, il avait l’impression que la série de ses silences avait commencé à partir de là.
Comme d’habitude, il a allumé son magasin tard après s’être rendu compte que la nuit est tombée et que les lumières des autres magasins sont allumées. Il a repensé à sa maison. Sa présence solitaire lui rappela sa maison, en particulier le fait que la porte de la cuisine réclama son attention. Il essaie de comprendre pourquoi elle lui semble si proche de son cœur et pourtant si méprisable. À plusieurs reprises, la porte lui a parlé intimement et parfois elle l’a regardé sans le moindre signe. Chaque jour, il envisage de fermer la porte pour ne pas l’entendre rouspéter, mais il ne comprend pas pourquoi il oublie toujours.
Deux ans plus tard, il s’est remarié sur l’insistance de sa mère. Elle ressemblait à un poussin quand elle est venue chez eux. La pauvreté de sa famille l’a poussée à accepter un veuf comme mari. Lorsqu’il l’a touchée pour la première fois, ses jambes, ses mains et sa poitrine ressemblaient plus à un corps d’enfant qu’à celui d’une femme, et il avait souvent l’impression d’approcher une fille malade.
La mère lui a demandé de sortir avec sa nouvelle femme. Selon elle, ce genre de pratique permettrait de rapprocher le couple et d’apaiser les ragots. Mais malheureusement, la mère, qui était sa sage conseillère pour une vie de couple harmonieuse, est décédée avec diverses douleurs physiques et mentales avant que toute réciprocité ou attente ne puisse être satisfaite.
Cette nouvelle femme, en peu de temps, commença à se quereller avec sa belle-mère et prit l’habitude de se rendre chez ses parents après chaque incident. Lui-même, pendant sa pause déjeuner, se rendait à vélo chez ses beaux-parents pour la chercher après avoir réussi à la ramener au calme. Mais elle ne s’est jamais disputée avec son mari du vivant de sa belle-mère. Mais hélas, il arriva un jour, quelques jours après la mort de sa mère, par suite d’une dispute avec lui, qu’elle se rendit chez ses parents.
Le soir, dès qu’il entre dans sa maison, il doit préparer son dîner : du riz avec de la sauce, presque de la même manière que sa nouvelle femme, cependant, en cuisinant, elle a pu lui épargner un surcroît de fatigue. Le vent froid et la pluie rendaient les choses encore plus difficiles. Il prit la lampe et l’alluma dans l’obscurité familière. La lampe à huile l’aida à voir le canal vacillant et s’écoulant lentement. Il est presque dix heures du soir et il n’y a personne dans la rue.
Ce qu’il ne comprend pas, c’est la peur qui le recouvre depuis quelque temps, comme une grande vague, à tel point que même le gommier rouge qui est en face de sa maison lui apparaît avec la langue sortie, les bras tendus, une jambe levée et les cheveux lâchés comme un esprit maléfique et lui fait avoir la phobie de sa vie.
Parfois, dans ses rêves, il marche longuement en suivant un chemin bordé de buissons, imaginant des incidents plus graves, comme qu’un chat brun se jette sur lui à un endroit inattendu. Il se réveille alors en sueur, tourmenté par des cauchemars. Depuis son second mariage, il fait ce genre de cauchemars, mais le miaulement qu’il entend à la fin ressemble plutôt au grognement de sa première femme, Vasuki. Ce qui est encore plus étonnant, tout en étant libéré de la peur, il est surpris de voir un chat près de la porte.
Le vent léger et froid secoue les feuilles et lui montre la présence de ce grand arbre. Les stries lumineuses de ses bords lui rappellent de la cornée de l’œil de sa seconde femme. Le fait de penser à elle entraîne le jeune homme dans l’obscurité comme un poisson s’immerge dans l’eau sombre du fond. Au bout d’un moment, il se rend compte que ses jambes tremblent. Il ressent également une forte pression sur sa poitrine et craint qu’elle ne se brise à tout moment. « Ce sont des épreuves que je n’ai jamais eues auparavant, assez pour faire rire Sivaguru », pensa-t-il.
Contrairement à sa première femme, c’est lui qui détestait la seconde. Il se souvient du visage de cette dernière le jour où elle a appris son mécontentement à son égard, et alors toutes ses craintes ont commencé à proliférer. Cependant, la nouvelle ne lui a jamais fait des reproches, mais elle obéissait à ce qu’il disait.
Le soir, après le dîner, il voulait dégager la porte qui faisait un bruit rappelant les grognements de Vasuki. Quand la seconde était avec lui, elle a pu empêcher ce désagrément, et c’est un mystère incompréhensible pour lui. Les mots de sa mère qui l’a souvent servi jusqu’à sa mort « Susamama Iruntukkoda » (ne sois pas naïf !) qui lui vient à l’esprit lui donnent la nausée.
Avec un peu de tristesse, la porte se détacha avec son habituel grognement haineux. Il eut l’étrange sensation d’être allégé après la décharge d’un important volume de son corps. Cette nuit-là, après plusieurs mois, il a pu trouver un sommeil profond. Le lendemain matin, devant le miroir, un sourire apparut sur son visage et il déambula un moment en se regardant dans le miroir. Il quitta la maison et prit un bain dans le réservoir où il s’était baigné lorsqu’il était enfant. Se réjouissant de ce moment, il y nagea pendant quelques minutes. À son retour, après avoir remis la porte à sa place, vêtu comme un marié, il se rendit à sa boutique avec une joie sans précédent.
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– Traduis du tamoul par Krishna NAGARATHINAM