Archives Mensuelles: avril 2022

Un écrivain et un traducteur tamoul sont à l’honneur

Par défaut

Chers amis,

L’Inde est l’invitée d’honneur du Festival du livre de Paris, qui se déroulera du 22 au 24 avril. Parmi les auteurs indiens, il y a un auteur que nous connaissons dans le sud, plus précisément dans le Tamil-Nadu. A cette occasion, selon les informations reçues de la Librairie Phénix l’auteur Peroumal Mourougan présentera son roman « Le bûcher » publié chez Stéphane le 23 avril 2022 à 17h.

Notre traducteur connu V. Vengada Subburaya nayagar qui a remporté le prix Romain Rolland en 2020 du gouvernement français est également invité cette année au festival, je vous informerai une fois son programme connu.

Rencontre – Perumal Murugan (librairielephenix.fr)


Bibliographie

Publicité

Cage à pigeons (une nouvelle tamoule)-  – par Harisankar

Par défaut

                         

(Harisankar est un jeune écrivain tamoul de Pondichéry, en Inde. Il a débuté son chemin de création en tant qu’écrivain à l’âge de 18 ans, par un roman pour la jeunesse. Jusqu’à présent, l’auteur a écrit trois recueils de nouvelles : Pathiladi ( Réplique ), Emali ( Naïf ), Udal ( Corps ) et deux romans : Paris , Unmaigal poykaL karpanaigal (Vérités – Mensonges et Illusions) en tamoul. Et son nouveau roman « Paris 2 » paraîtra prochainement).

Un coup de vent par la fenêtre lui fit penser à cela. Ayant terminé quelques tâches ménagères, épuisée, tout en finissant son déjeuner à la hâte, elle entra dans la chambre et s’allongea sur le flanc dans le lit, le regard fixé sur la fenêtre. Le ventilateur tournait à une vitesse irrégulière du fait de la faible qualité de l’électricité.

Elle se sentait remplie de vide. Elle ne comprenait pas pourquoi. Elle était allongée et pensait à quelque chose, sans être consciente du brouhaha provenant des maisons voisines ni du bruit des véhicules circulant à l’extérieur.

C’est un immeuble de la Société de logement, construit il y a plus de vingt ans. Quant à son appartement, il se trouve au deuxième étage. Les travaux de réparation et d’entretien sont effectués par la famille elle-même avec ses propres moyens. Ce sont des logements avec le minimum de confort : un petit salon, une cuisine, une chambre et puis un coin réservé à la douche et aux toilettes. Les locataires peuvent être de une à huit personnes. Il y a toujours du bruit provenant d’un logement ou d’un autre. Et cela les étonne beaucoup, quand il n’y a pas de bruit, et en plus cela leur fait peur.

Elle s’assurera que sa maison est toujours propre. Comme elle entretient bien leur logis, elle ne tolérera pas et se mettra en colère si tout dans leur demeure n’est pas à sa place. Avec elle, sa belle-mère, son beau-père et bien sûr son mari et leur enfant vivent tous sous le même toit. Elle et son mari prennent la seule chambre à coucher qu’ils ont, de sorte que ses beaux-parents dormiront dans le salon, et leur fille dormira soit dans le salon, soit dans la chambre avec ses parents, selon les exigences ou les préoccupations du ménage.

Ce n’est que lorsque cette agréable brise a soufflé que la pensée lui est venue. Cela fait plus de deux mois qu’elle n’a pas fait l’amour avec son mari. Lui, de son côté, a essayé deux ou trois fois de le faire, mais chaque fois la demande a été impitoyablement rejetée à cause de sa fatigue. Et il a accepté sans rien dire le refus de sa femme. Quand même, elle avait l’impression que cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas couché avec son mari. Elle décida donc de le faire à tout prix cette nuit-là. Quel que soit l’état d’esprit de son mari, elle sait comment l’y préparer. Alors, leur fille unique devra dormir avec ses grands-parents conformément à la pratique suivie depuis des années dans ce ménage. Tout cela la laisse s’envoler joyeusement. Elle entendit quelqu’un frapper à la porte et tourna la tête, il s’agissait de son beau-père. Ses yeux se sont dirigés vers l’horloge sur le mur d’en face.

« Je vais chercher notre petit à l’école, s’il nous manque quelque chose à la maison, dis-le-moi, je l’achèterai à mon retour. » – lui dit son beau-père. Elle est allée dans la cuisine, a ouvert le réfrigérateur et lui a dit qu’ils avaient besoin de lait. Le vieil homme acquiesça d’un signe de tête et s’en alla. Elle, pour sa part, regarde dans le salon, et constate que sa belle-mère est allongée devant elle, près de l’entrée, les yeux fermés. Et cette dernière ne fait que croire, elle le sait. Elle retourne dans leur chambre, et s’allonge sur le lit. Elle sent que son corps se resserre. Elle regarde son avant-bras sur lequel les poils fins restent dressés. Un petit sourire discret déborde sur les lèvres pulpeuses. Elle jette un coup d’œil à la chambre, qui lui semble en désordre. Elle doit y remettre de l’ordre. Tout ce qui s’est passé depuis la dernière fois lui revient peu à peu à l’esprit.

Une demi-heure plus tard, les bottes de sa fille sur les marches la font se lever et se rendre à l’entrée. La fille se précipita pour entrer, rangea son sac et s’assit sur une chaise en plastique, avec l’air triste. Pour sa mère, il est donc clair que quelque chose est arrivé à sa fille à l’école. Néanmoins, elle a décidé de ne pas questionner sa fille pour connaître la raison. En fait, cette décision a été prise plutôt dans son intérêt, ne voulant pas perturber son humeur alors qu’elle attend impatiemment de réaliser un exploit après une période prolongée.

— Où est passé tatta (grand-père) ?

— Il me laissa pour acheter du lait.

Son attention est attirée par l’uniforme sale de sa fille, surtout par sa jupe blanche.

— Tu étais à l’école ou tu traînais dans les rues ? Deux mois à peine se sont écoulés depuis ton inscription en classe de CP, et pourtant tu as déjà ton uniforme dans cet état, cochon ! Retire d’abord ton uniforme, et fais ensuite le reste !

 Elle a grondé sa fille sous le coup de la colère. Au même moment, son beau-père est entré avec une bouteille de lait à la main. Il semblait qu’il avait autre chose dans sa main qu’il ne voulait pas lui montrer. Mais, comme à son habitude, elle ignore ce qu’il a dans la main, elle se contente de récupérer la bouteille de lait dans sa main et entre dans la cuisine.

En laissant le lait chauffer dans le micro-ondes, elle est allée dans la chambre et a envoyé un message à son mari depuis son téléphone portable, lui demandant de rentrer plus tôt. Il a peut-être compris le sens du message de sa femme, car lorsqu’elle a posé le téléphone sur la table, un timbre a signalé un message. Comme elle s’y attendait, c’était de son mari. Le message lui a arraché un sourire de joie, car il s’agissait d’un emoji : une bouche en cul de poule et des signes de cœur dans les yeux. Satisfaite de l’allégorie de son mari, elle se rendit dans la cuisine pour préparer le thé. Après avoir distribué le thé à tout le monde, elle se tenait sur le balcon et regardait les alentours en sirotant son thé.

Le vent soufflait fort. « Prochainement la mousson, le vent soufflera aussi fort », se dit-elle. Soudain, elle entendit un bruit dont l’origine, pourtant connue, la mit en colère. Elle se rendit dans le salon où sa fille était en train de jouer au jeu du téléphone. Donnant une petite tape dans le dos, elle arracha le téléphone de la main de sa fille. La fillette, qui a hésité quelques secondes, s’est mise à sangloter.

– Combien de fois puis-je dire qu’il ne faut pas toucher le téléphone, tu veux que je te mette déjà les lunettes ?

— Elle vient juste de commencer, laissez-la jouer!- le grand-père est intervenu pour la défendre. 

— Ne vous en mêlez pas, c’est votre gentillesse qui la gâte. Dans sa classe, il y a déjà pas mal d’élèves qui ont des lunettes, dit-elle à son beau-père, d’un ton légèrement inquiet.

Le vieil homme se calma immédiatement. En prenant sa petite fille sur ses genoux, il alluma la télévision et écouta les vieilles chansons. Éprouvant du ressentiment envers sa mère, la petite fille a lâché son grand-père et est retournée dans la chambre.

— Ne t’endors pas, avant d’avoir fini tes devoirs. Tu comprends !, prévient-elle à sa fille.

Il était huit heures du soir quand elle a terminé toutes les tâches ménagères et juste avant, elle a servi le dîner à sa fille, à sa belle-famille et a fait dormir sa fille comme prévu dans le salon. « De toute façon, mon mari arrivera entre huit et neuf heures et je dois être prête à ce moment-là », songe-t-elle. Attrapant une chemise de nuit dans l’armoire de la chambre, elle se dirige vers la salle de bains. Elle a investi le temps de finir la douche, et quand elle est sortie, elle a remarqué que son mari entrait. En voyant sa femme, un sourire indescriptible s’est répandu sur les lèvres de son mari. La fille et la grand-mère dormaient déjà profondément, tandis que le grand-père, comme d’habitude, somnolait.

– Papa, as-tu pris ton repas ? demanda le fils à son père.

– Oui, j’ai mangé.

– Alors tu dois être endormi.

– Nous venons de dîner, j’ai besoin de temps pour dormir, tu sais ? Eh bien, va te changer et termine ton repas, conclut-il sur un ton encore parental.

Sans dire un mot, le fils est allé dans la chambre, a changé de vêtements, s’est lavé les mains et les pieds, s’est douché discrètement. Le vieil homme a remis la télécommande dans la main de son fils, tout en ignorant ceux qui dormaient déjà là. Il a ensuite commencé à changer les chaînes une à une sans s’arrêter. Pendant ce temps, une assiette contenant des dosas fut apportée et posée devant lui sur la table. Il a pris son petit plat un peu rapidement tout en regardant la télévision. Lorsque nous l’avons revu dans le salon après s’être lavé les mains, son père était en train de déplier un tapis de jonc pour s’allonger. Sans prêter attention à son père, le fils est entré dans la pièce et s’est assis sur le lit. Sa femme, quant à elle, a terminé son repas dans la cuisine même, a fait la vaisselle, a éteint toutes les lumières sauf la veilleuse, et est finalement entrée dans la chambre. Dans le salon, le beau-père ronflait déjà. Il semblait que tous les autres membres de la famille étaient plongés dans un sommeil profond, cependant, elle a fermé la porte sans bruit, comme si c’était nécessaire. Donc, par mesure de prévention, elle doit verrouiller la porte. Mais cette action risque de faire du bruit, elle le sait. Hélas, elle n’a pas d’autre choix que de servir le loquet avec précaution, puis de fermer toutes les fenêtres.

Les yeux de son mari sont fixés sur elle. Elle continue à marcher ici et là sans détourner les yeux vers lui. En effet, elle attend que son mari en prenne l’initiative, c’est son souhait. Lui aussi sait ce qu’elle attend de lui. Ce jeu entre le mari et la femme va durer un moment. Parfois, il restera aussi atone sans le moindre regard envers elle. Habituée à ce que ce jeu se termine, sachant quelle est sa limite, elle s’allongera sur le flanc comme si cela n’avait pas d’importance pour elle aussi. Comme elle s’y attendait, n’ayant plus l’esprit à garder sa patience, il s’approcherait lentement d’elle. C’est ce qui se passe maintenant. Il l’embrasse, appuyant doucement ses lèvres sur les siennes, les yeux fermés. Pour elle, c’est l’occasion d’apaiser son désir qui brûle depuis midi, ce dont elle tente de profiter pleinement. À ce moment précis, un cri strident de leur fille provenant du séjour, empêche la suite de la scène. Après s’être habillé comme il faut, le couple est sorti de la chambre.

Dans le salon, la lumière était allumée, leur fille était en train de pleurer tout en fermant les yeux. Le grand-père lui demande, tout en la réconfortant, ce qui s’est passé. La fillette a continué à pleurer sans rien dire. La mère a pris sa fille par la taille et l’a réconfortée en la mettant au lit. Son mari, qui suivait la mère et la fille, après avoir fermé légèrement la porte derrière lui, s’est approché de la fille pour la réconforter à son tour. La jeune fille a cessé de pleurer. Mais, elle ne parvenait pas à dormir. Dans le salon, son grand-père a éteint la lumière pour qu’il puisse se coucher.

Elle tapotait doucement le dos de sa fille, et à côté d’elle, son mari commençait déjà à bâiller, signalant la fin de son attente de la journée. Tout en ressentant une déception inattendue, elle caressait sa fille, tandis que son mari goûtait à un sommeil bienfaisant.

– Maman, ça fait mal.

  – Où ça, chérie ?

La fille a soulevé sa robe jusqu’aux genoux. Au-dessus de son genou gauche, il y avait une légère rougeur de la peau.

– Comment c’est arrivé ?- lui a-t-elle demandé avec une anxiété visible.

– Le moustique a piqué, a-t-elle dit, la petite fille.

La mère a regardé la partie piquée par le moustique. Pour elle, c’est certain que cela n’est pas une piqûre d’insecte, on aurait même dit une pince. Heureusement, sa fille, en très peu de temps, s’est endormie. Son époux aussi trouvait un bon sommeil.

Elle était énervée, furieuse et frustrée. Elle ne trouvait pas le sommeil, elle avait beau essayer, rien n’y faisait. « Que ou qui peut-elle blâmer ? ». Elle avait soif.  Il y avait toujours de l’eau au chevet du lit, mais cette nuit-là, il n’y avait rien. Sans doute avait-elle oublié. Elle est sortie et est entrée lentement dans la cuisine, en ouvrant la porte qui n’est pas fermée à clé, après l’incident inattendu survenu à leur fille.  Au moment où elle tend la main pour la lumière, son regard se porte sur le salon, où sous la lumière de la veilleuse, elle peut voir que son beau-père et sa belle-mère s’embrassent comme un jeune couple et que leurs vêtements sont défaits.

La colère de la jeune femme atteint son paroxysme. Déduisant des anomalies, elle a pu tirer le fait exact de la peau rougeâtre de sa fille. Il est vrai que cela lui fait de la peine contre ce vieux couple, néanmoins, elle s’en débarrasse rapidement en s’avouant que par nature leur comportement est acceptable, quelque chose semble aussi être si affectueux à cet âge. Elle est entrée dans la chambre et s’est couchée comme si elle venait d’arriver. Elle s’est endormie assoiffée.

— Traduit du tamoul en français par Krishna NAGARATHINAM

——————–