Par nature: S.Ramakrishnan

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S.Ramakrishnan

Né le 13 avril 1966 à Mallankinarou, Virudhunagar du Tamil Nadou, S.Ramakrishnan écrit depuis 25 ans et il a consacré toute sa vie à la littérature. Il est connu pour la modernité de son style narratif. D’ailleurs, il puise ses écrits dans le réel et aborde les thèmes sociaux moins explorés. Cet écrivain prolifique de plusieurs genres littéraires est l’auteur de plus d’une cinquantaine d’œuvres en tamoul : nouvelles, fables modernes, romans, pièces de théâtre, essais, traductions… Il écrit également des contes destinés aux enfants. Hormis les écrits littéraires, il écrit des dialogues aux films tamouls. Il est lauréat de plusieurs prix littéraires; son roman « Yamam » lui a valu le prix de « Tagore Literary award ». Tout récemment, il a reçu le prix « Iyal » de Literary Association of Canada. Les œuvres de S.Ramakrishnan ont été traduites en plusieurs langues indiennes et étrangères. Cette nouvelle a été tirée du recueil de ses nouvelles « Nakulan vîtil yâroum illai » (Il n’y a personne chez Nacoulane).

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 Par nature.           

                                             Nouvelle de       S.Ramakrishnan

Traduite par S.A.Vengada Soupraya Nayagar.

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La sonnette de ma maison retentit et je suis allé ouvrir la porte. J’ai vu qu’un gorille m’attendait. Cheveux coupés au ras, il portait une chemise rayée bleue, un sac en cuir à l’épaule et des lunettes aux montures légères. Ses mains étaient larges. Il portait des chaussures « Nike ». Un sourire modeste. D’un air confus, je lui ai demandé ce qu’il attendait de moi.

Ce gorille commençait à se présenter d’une voix agréable : “Je suis un attaché commercial qui vend des portables dernier cri fabriqués en Corée et m’a montré un prospectus. Abasourdi, je regardais le gorille. Il était en train de me commercialiser son produit en expliquant les caractéristiques exclusives. Il parlait anglais avec un accent américain.
L’idée qu’il s’agissait d’un gorille continuait à hanter mon esprit. Il semblait qu’il avait compris ma confusion, et il m’a demandé d’un air un peu rougi, si je n’ai jamais vu un tel représentant.
Déconcerté, j’ai dit non.

_ Avec le progrès scientifique, nous nous évoluons à l’étape suivante et je crois que vous acceptez cette vérité. J’ai du mal à comprendre pourquoi la plupart des gens restent plus en extase devant  nous  que devant les robots qui n’ont qu’une intelligence artificielle.

_ Non, c’est pas le cas. C’est de ma faute. Je lui ai répondu d’une façon ambigüe. Il m’a expliqué qu’il était homo sapiens. Il croyait que j’aurais entendu parler de ses ancêtres tels que les hommes de Neandertal et des hommes de Cro-Magnon. Il y a trente ans que sa famille avait quitté le bois pour s’installer dans les villes. Il avait reçu une éducation formelle et il avait maîtrisé quatre langues. Il possédait même une attestation sur les techniques de vente à l’Université de Delhi.

Hésitant, j’ai avoué que je n’ai jamais rencontré une telle personne comme lui. En hochant la tête, il m’a répondu :

Rares sont des gens qui me ressemblent dans cette ville.! Par contre, mes amis habitant dans les pays étrangers sont bien placés. Ils sont des professeurs, des pilotes, même des experts de média… Dans ces pays, on n’affronte aucune discrimination et personne ne se moque de nous.

C’est bien.

J’observais ses mains : les mains larges, les doigts dont les ongles étaient méticuleusement coupés. Le gorille tout en regardant les objets d’art de ma maison, m’a averti :

Un œuf s’est cassé dans votre frigo.

J’ai ouvert tout de suite le frigo et j’ai découvert qu’un œuf s’est cassé et a coulé. Je l’ai débarrassé et ai demandé au gorille comment il aurait pu le savoir.

Avec un sourire, le gorille m’a répondu :
Depuis des générations, nous habitons dans les forêts. Nous sommes capables de percevoir toute odeur ; peu importe d’où elle émane.
Alors moi, je ne peux pas même distinguer les odeurs qui émanent de la cuisine.

Des odeurs, des petits bruits, la peur… tous restent toujours au fond de notre cœur. J’ai lu que l’endroit où se situe votre maison était jadis un grand lac. De nombreux canards y nageaient. Est-ce que vous avez senti par hasard que vous dormez sur un lac ?

Il a raison. Ici, il y avait un grand lac avant quarante ans. C’est reconverti en zone résidentielle pour y construire les bâtiments. Je lui ai signalé qu’on se réfère toujours à ce lac dans les cadastres.

Seuls le ciel et les nuages sont des choses que l’homme ne peut pas se permettre d’acheter, a ironisé le gorille. Les villes sont monotones. Ici, on n’entend guère le son des feuilles tomber. Ni les bourdonnements d’une abeille, ni ceux d’un oiseau, ni les coassements d’une grenouille. Que des bruits des véhicules. L’homme est la seule espèce dans ce monde qui s’achète de l’eau.
Tout en me parlant, le gorille a sorti un modèle du portable de sa poche et l’a déballé.

Je lui ai demandé s’il est marié. Il sourit et m’a répondu:
Aucune jeune fille n’est tombée amoureuse de moi. Donc, j’ai épousé une fille de notre parenté. Il a sorti une photo de son porte-monnaie où se trouvait l’image d’une guenon. J’étais plutôt attiré par les deux cartes de crédit, la carte, il est membre d’un club célèbre, et il a le permis de conduire.
En dissimulant mon étonnement, je lui ai demandé pourquoi il a choisi cette profession d’un attaché commercial.
Parce que cette profession répond à mes exigences. Je voudrais bien relever les défis. Je préfère que la vie d’une journée soit imprévue. J’ai du mal à imaginer une vie où il n’y a ni des nouveaux gens, ni des nouveaux défis. Les gens s’impliquent aux travaux monotones et y consacrent toute leur vie. Moi je ne pourrais jamais le faire. Il faut vivre chaque moment de la vie. D’après, J.Krishnamourty, c’est à cause de nos pensées qu’on n’arrive pas à mener une telle vie. Moi, je suis du même avis.

Hébété, je lui ai demandé s’il a lu les écrits de J.Krishnamourty.

Oui, la discussion sur l’infini entre lui et David Bohm, un grand physicien est vraiment formidable ! S’exclamait-il. Le gorille m’a prié poliment de lui offrir un peu d’eau.

J’ai apporté de l’eau fraîche du frigo et je lui en ai offert. Il s’est rassasié en prenant soin de ne laisser tomber aucune goutte d’eau de ses lèvres. Il a sorti son mouchoir blanc de la poche de son pantalon et s’essuyé les lèvres. Il continuait par nature à expliquer les fonctions de la nouvelle variété des portables.

Au bout d’une demi-heure de notre conversation, l’affaire était conclue. J’ai décidé de m’acheter un portable. Il prend son sac à l’épaule et il a sorti une facture et il y notait mon prénom, mon adresse et d’autres renseignements.
J’étais en train d’observer ce sac. On y trouvait un livre, une tablette pour écouter la musique, un paquet de biscuits et un petit flacon de parfum. D’une belle écriture, Il remplissait les cases du formulaire des renseignements personnels. Il a compris que mon attention était portée sur le livre de son sac. Il m’a passé le livre et m’adressa,”

C’est Nietzsche. Un philosophe renommé. Je le lis chaque fois que je me sens fatigué. Avec un sourire, il m’a demandé de signer le formulaire
J’ai signé et je lui ai remis un chèque. Il m’a remercié de tout cœur. Il a pris congé de moi en disant que sa société m’enverrait le nouveau portable par courrier.

Je me suis laissé surprendre par la discipline, l’amour et la parole douce du gorille qui n’existent pas même chez les hommes.

Comme il y avait une panne d’électricité, l’ascenseur n’aurait pas marché. Énervé et ennuyé, le gorille n’arrêtait pas d’appuyer les boutons de l’ascenseur. Je voyais toute la scène par la fenêtre. En rage, il murmura en regardant l’ascenseur :

Putains! J’en ai ras-le-bol de convaincre ces imbéciles et vendre les portables. Je suis vraiment épuisé et encore, ce putain de panne d’électricité!
Il s’écartait de l’ascenseur et arpentait sans but. En s’assurant que personne ne le surveillait, le gorille sautait d’un coup du douzième étage où se trouvait ma maison, et a atterri au sol. Comme si rien ne s’est passé, il démarrait sa moto et se dirigeait vers son chemin.

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